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TERTULLIEN.

core où quelques supplices barbares ont couronné la foi des martyrs ?

Aussi, ramenant en arrière leur queue, ils commencent par mettre en jeu la sensibilité humaine, ou bien ils s’agitent dans le vide. « Eh quoi ! s’écrient-ils, l’innocence exposée à de pareilles tortures ! Une secte de qui personne n’eut jamais à se plaindre ! » Ne les prendriez-vous pas pour un frère ou tout au moins pour quelque païen compatissant ? Attendez, voilà qu’ils pressent davantage. « Périr et encore sans l’ombre de raison ! Car enfin, quelle ombre de raison y a-t-il à la mort des Chrétiens ? » — Maintenant ils tuent au premier aiguillon qu’ils enfoncent : « Elles ne savent pas ces âmes crédules quel est le précepte, en quels termes il est conçu, où, quand ni devant qui il faut confesser. » Misérable, déclare sans détour que mourir pour Dieu n’est pas seulement simplicité et inutilité, mais insigne extravagance. Ils poursuivent : « Et qui me sauvera, si celui-là m’immole qui doit me sauver ? Jésus-Christ, mort une fois pour nous, ne nous a-t-il point affranchis du trépas ? Supposé qu’il demande le retour, attend-il son salut de ma mort ? Dieu a-t-il besoin de mon sang, lui qui ne veut pas du sang des boucs et des taureaux ? » N’a-t-il pas dit « qu’il préférait à la mort du pécheur son repentir ? Comment justifiera-t-il cet oracle s’il veut la mort du pécheur ? »

Ces traits et mille autres, décochés par la malice des hérétiques, ne sont-ils pas capables d’amener sinon la ruine de la foi, au moins ses pusillanimités ; sinon la mort complète, au moins la perturbation ? Mais toi, pour peu que ta foi veille, écrase du pied de l’anathème le scorpion blasphémateur, et laisse-le mourir dans son sommeil. Prends-y garde ! s’il inonde de son poison la blessure, le venin ne tardera point à pénétrer jusqu’au fond des entrailles et à circuler dans tout le corps. Qu’arrive-t-il aussitôt ? Tous les sentiments généreux d’autrefois s’engourdissent ; le sang se glace autour du cœur ; l’esprit s’é-