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TERTULLIEN.

XXXIV. Quelques-uns, plus respectueux, et se souvenant de l’honneur dû à Dieu, afin de lui épargner la honte même d’un seul hymen, aimèrent mieux n’assigner aucun sexe à Bythos : peut-être même le regardent-ils comme quelque chose de neutre. D’autres, au contraire, font plus. Ils affirment que leur Dieu est mâle et femelle, afin sans doute que Fénestella, le commentateur des Annales, ne s’imagine plus qu’il n’y a d’hermaphrodite qu’à Luna[1].

XXXV. Il en est qui n’accordent pas le premier rang, mais seulement le second à Bythos : ils placent l’Ogdoade avant toutes choses, et la dérivent elle-même de la Tétrade, mais sous d’autres noms. En première ligne vient Proarchê ; puis Anennoêtos ; puis Arrhêtos ; et enfin Aoratos. De Proarchê, procédèrent au premier et au cinquième rang, Archê ; d’Anennoêtos, au second et au sixième rang, Acataleptos ; d’Arrhêtos, au troisième et septième rang, Anonomastos ; de l’Invisible, au quatrième et huitième rang, Agennêtos. En vertu de quelle raison chacun des ces Éons naît-il en deux lieux différents et si distants l’un de l’autre ? J’aime mieux l’ignorer que de l’apprendre. Quelle sagesse y a-t-il dans ces monstrueuses productions ?

XXXVI. Qu’ils sont plus raisonnables ceux qui, repoussant cette déplorable perversité, n’ont pas voulu qu’un Éon servît de degré à l’autre, véritable échelle des Gémonies, mais qui, aussitôt qu’a été jetée la serviette, comme le dit le proverbe, font éclore d’un seul coup cette Ogdoade sous l’aile du Père et de son Ennœa, c’est-à-dire de sa Pensée. En un mot, chacun des noms répond à chacun de ses mouvements. Lorsque, disent-ils, il a pensé à produire, il a été appelé Père pour cette raison. Lorsqu’il a produit, comme il a produit des choses véritables, il en a reçu le nom de Vérité. Lorsqu’il a voulu se manifester lui-même,

  1. Ptolémée cite deux villes de ce nom, l’une en Étrurie, l’autre en Lusitanie, dont les habitants adoraient La Lune sous le nom d’Androgyne, c’est-à-dire homme-femme.