Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 3.djvu/134

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
124
TERTULLIEN.

font naître de la malignité du chagrin que ressentit Achamoth. Ils donnent la même origine aux anges, aux démons, et à toutes les générations des puissances spirituelles du mal. Ils ne laissent pas d’affirmer cependant que le diable est l’œuvre du Démiurgue ; ils l’appellent souverain du monde, et ils tiennent qu’en vertu de sa nature spirituelle, il connaît plus les Éons supérieurs que le Démiurgue, qui est tout animal. Le père de toutes les hérésies mérite bien la prééminence qu’ils lui accordent.

XXIII. Voici dans quelles limites ils placent comme la citadelle de chacune de ces puissances. Dans les hauteurs les plus élevées siége le Plérôme en trente personnes, dont Horus garde la ligne la plus reculée. Au-dessous de lui, Achamoth occupe l’espace intermédiaire, foulant aux pieds son fils. Car au-dessous d’elle réside dans son septénaire le Démiurgue, ou plutôt le diable, habitant de ce monde qui lui est commun avec nous, et dont chaque élément, chaque corps, ainsi que nous l’avons dit plus haut, est formé des fécondes infortunes de Sophia ; de sorte que l’Esprit n’aurait jamais eu un espace pour aspirer et expirer l’air, ce vêtement léger de tous les corps, ce révélateur de toutes les couleurs, cet instrument qui mesure les temps, si la tristesse de Sophia n’en avait produit les légères molécules, de même que sa frayeur a créé les animaux, et sa conversion, le Démiurgue lui-même. À tous ces éléments, à tous ces corps fut soufflé le feu. Comme ils n’ont pas encore expliqué la passion originelle de leur Sophia, je penche à croire jusque là que le feu jaillit de ses mouvements fébriles. Car, qu’elle ait eu la fièvre dans ces violentes tortures, on le croira volontiers.

XXIV. Après avoir rêvé de pareilles chimères sur Dieu, ou sur les dieux, à quelles chimères ne faut-il pas s’attendre quand il s’agira de l’homme ? En effet, le Démiurgue, après avoir produit le monde, se met à l’œuvre pour créer l’homme. Il choisit pour sa substance, non pas, disent-ils, quelque parcelle de cette aride, que nous recon-