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TERTULLIEN.

ment et gardien extérieur du Plérôme parfait, et s’appelle encore Croix, Lytrote et Carpiste. Ainsi donc Sophia, délivrée de ce péril et se laissant persuader, quoique tard, trouva le repos en renonçant à la recherche du père, puis exposa comme un fruit avorté Enthymésis tout entière, en d’autres termes le désir, avec la Passion qui était survenue.

X. Mais quelques-uns ont rêvé autrement l’infortune et le rétablissement de Sophia. Après ses vains efforts et le renversement de ses espérances, elle était, j’imagine, défigurée par la pâleur, l’amaigrissement et le peu de soin qu’elle avait pris de sa beauté, comme il convenait à celle qui pleurait un père refusé à sa tendresse, avec des larmes aussi amères que si elle l’eût perdu réellement. Puis dans sa douleur, par elle-même, sans aucune intervention conjugale, elle conçoit et procrée une femme. Vous vous étonnez de cette merveille ! Mais la poule n’a-t-elle pas la vertu de produire par elle-même ? Il n’y a, dit-on, que des femelles parmi les vautours : elles deviennent mères cependant sans le concours du mâle. D’abord elle s’attriste de l’imperfection de son fruit ; enfin elle a peur que la mort n’approche : elle ne sait que penser de la cause de cet événement ; elle cache soigneusement sa grossesse. De remèdes, il n’en est nulle part. En effet, où étaient alors les tragédies et les comédies, pour leur emprunter la manière d’exposer un fruit qui était né contre les lois de la pudeur ? Tandis qu’elle est en mal d’enfant, elle lève les yeux et se tourne vers son père. Vains efforts ! ses forces l’abandonnent ; elle tombe à genoux pour prier. Toute sa parenté adresse des supplications pour elle, Noûs avec plus d’ardeur que les autres. Et pourquoi pas ? N’était-il pas la cause de tout le mal ? Toutefois aucune des infortunes de Sophia ne fut inutile ; chacun de ses labeurs est fécond. En effet, ses tribulations donnent naissance à la Matière ; son ignorance, ses frayeurs, ses tristesses deviennent autant de substances. Alors son père, touché enfin de compassion, procrée, par l’intermédiaire