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TERTULLIEN.

les nourrices de tous ces dieux et leurs compagnons ?

IX. Il y a plus ; voici une acception de personnes. Noûs est le seul qui entre tous jouisse de la connaissance du Père incommensurable, joyeux et plein d’allégresse, par conséquent, tandis que les autres s’attristent. Il est bien vrai que Noûs, autant qu’il était en lui, avait eu la volonté, et même avait essayé de communiquer aux autres ce qu’il connaissait de la grandeur et de l’incompréhensibilité du Père. Mais Sigê[1], sa mère, s’y opposa, cette même Sigê, qui prescrit le silence aux hérétiques ses adeptes, quoiqu’ils mettent cette obligation sur le compte de leur père, qui, à les entendre, veut, par ce moyen, aiguillonner le désir. Ainsi, tandis qu’ils sont torturés au fond d’eux-mêmes, tandis qu’ils sont brûlés d’une secrète ardeur de connaître le père, le crime faillit se consommer. De ces douze Éons que l’homme et l’Église avaient procréés, la dernière Éon, du côté de l’âge, (qu’importe le solécisme, car Sophia est son nom), ne pouvant plus se contenir, s’élance à la recherche du Père, sans la société de son époux Philète, et recueille un vice qui avait déjà commencé dans tous les autres à l’occasion de Noûs, mais qui était passé dans cet Éon, c’est-à-dire dans Sophia, de même que des maladies nées avec le corps soufflent ordinairement leur contagion sur un autre membre. Toutefois, sous prétexte d’amour pour le Père, elle nourrissait une ardente rivalité contre Noûs, admis seul à jouir du Père. Mais aussitôt que Sophia, qui aspirait à l’impossible, eut été trompée dans ses vœux, vaincue par les difficultés, et croissant toujours en affection, peu s’en fallut que la violence de l’amour et de l’investigation ne la consumât entièrement, et ne l’anéantît dans le reste de sa substance. À vrai dire, elle n’eût interrompu ses recherches qu’en périssant, si elle n’eût, heureusement pour elle, rencontré Horus, qui possède aussi quelque vertu en tant que fonde-

  1. Jeu de mot ; Sigê, en grec, signifie silence.