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TERTULLIEN.

d’une stupide divinité, tel enfin que le lui ordonna Épicure. Et cependant à ce Dieu qu’ils nous représentent, comme unique, ils lui donnent, dans lui-même et avec lui-même une seconde personne qu’ils nomment Charis ou Sigê. Autre inconséquence. Ils l’arrachent à ces bienheureux loisirs pour qu’il ait à tirer de lui-même le principe de toutes choses. Ce principe, il le dépose dans le sein de sa Sigê, qui le recueille et conçoit. Voilà donc Sigê qui enfante clandestinement. Celui qu’elle enfante s’appelle Noûs, exactement semblable à son père, égal à lui en toutes choses. En un mot, seul il suffit à contenir cette immense et incompréhensible grandeur du père. Aussi est-il nommé Père, commencement de toutes choses, et, à proprement parler, Monogène, ou plutôt terme sans propriété, puisqu’il n’est pas fils unique. En effet, une femme naît après lui. Elle s’appelle Vérité. Le nom de Protogène ne conviendrait-il pas beaucoup mieux à ce Monogène, puisqu’il est venu au monde le premier ? Bythos et Sigê, Noûs et Vérité, premier quadrige auquel s’attèle la secte de Valentin, sont donc le principe et l’origine de tous les autres. Car ce même Noûs, aussitôt qu’il eut reçu la faculté d’engendrer, produit le Verbe et la Vie, qui, si elle n’existait pas auparavant, n’existait pas non plus par conséquent dans Bythos. Mais comment supposer que la vie n’était pas dans Dieu ! Ce couple nouveau, mis au monde pour commencer l’universalité et le Plérôme parfait, engendre à son tour : il procrée l’Homme et l’Église. Tu as l’Ogdoade, double Tétrade, par l’accouplement des mâles et des femelles, grenier des Éons primordiaux, pour ainsi dire, hymens fraternels des dieux Valentiniens, origine de toute la sainteté et de toute la majesté de cette hérésie, multitude de crimes ou de dieux, je l’ignore ; mais à coup sûr, principe de toute la fécondité ultérieure.

VIII. Voilà donc que la seconde Tétrade, le Verbe et la Vie, l’Homme et l’Église, a germé en l’honneur du père. Alors, désireux d’offrir au père de leur propre fonds