Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 3.djvu/119

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
109
TERTULLIEN.

conceptions. Il convient aussi à la vérité de rire, parce qu’elle est joyeuse, et de se jouer de ses ennemis, parce qu’elle est confiante dans sa force. Seulement il faut éviter que son rire n’excite à son tour la raillerie, s’il était déplacé. Mais d’ailleurs partout où le rire est convenable, il remplit un devoir. Enfin, je commencerai ainsi.

VII. Le poète romain Ennius s’était contenté de dire le premier de tous que « les cénacles du ciel étaient immenses, » soit à cause de la grandeur du lieu, soit qu’il eût lu dans Homère les festins que Jupiter y donnait. Mais c’est chose merveilleuse de voir combien d’élévations sur élévations, de sublimités sur sublimités les hérétiques ont suspendues, entassées, étendues pour former l’habitation de chacun de leur dieu. Ces cénacles, qu’Ennius donne à notre Créateur, ont été disposés dans la forme de petits appartements, surmontés de balcons d’étage en étage, et distribués à chaque dieu par autant d’escaliers qu’il y a eu d’hérésies. Le monde est devenu un véritable comptoir. Vous diriez l’île fortunée, à voir ces mille et mille degrés du ciel. Où sont-ils ? Je l’ignore. C’est là qu’habite le dieu des Valentiniens, tout-à-fait sous les tuiles. Considéré dans sa substance, ils l’appellent l’Éon parfait, dans sa personne, Proarchê, Archê, ou Bythos, mot qui ne convenait nullement à qui habite dans les hauteurs. Ils le proclament sans commencement, immense, infini, invisible, éternel, comme si le définir tel que nous savons qu’il doit être, c’était prouver qu’il l’est véritablement, pour avoir droit de dire que tel il a été et qu’il a précédé toutes choses. Mais je le somme de me prouver son existence : et ici je remarque surtout que ces dieux, qu’on me présente comme antérieurs à toutes choses, arrivent après toutes choses, et encore après des choses qui ne sont pas à eux. Eh bien ! d’accord ! Ce Bythos a sommeillé autrefois, pendant une infinité de siècles, dans le calme et le repos inaltérable d’une pacifique, ou pour mieux dire,