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libre et éternel. Il y a mieux. Tu accordes plus à la Matière, puisqu’elle a pu se mouvoir ainsi, tandis que Dieu ne l’a pas pu.

XLIII. Encore une remarque sur le mouvement. Le mouvement de la Matière, dis-tu, grâce à sa ressemblance avec celui d’une chaudière, avant d’être réglé et assujetti, était tumultueux et insaisissable par la violence de la lutte. Puis tu ajoutes : mais elle s’arrêta pour être réglée par Dieu, et elle eut un mouvement mesuré, saisissable, par le ralentissement de ce mouvement désordonné. Tout à l’heure tu assignais au mouvement la lutte ; ici tu lui donnes la lenteur. Apprends combien de fois tu te contredis sur la nature de la Matière. Tu dis plus haut : Si la Matière était mauvaise par nature, elle n’eût pas comporté une transformation en mieux, et Dieu ne lui eût pas appliqué l’ordre ni l’arrangement ; car il y eût travaillé en vain. Tu as donc établi deux principes : le premier, que la Matière n’était pas mauvaise par nature ; le second, que sa nature n’aurait pas pu être transformée par Dieu. Oubliant plus tard ces deux assertions, tu dis : Mais aussitôt qu’elle eut reçu de Dieu l’arrangement et l’ordre, elle se départit de sa nature. Si elle a été transformée en bien, elle a passé conséquemment du mal au bien. Et si par l’arrangement que Dieu lui imprima, elle se départit de la nature du mal, sa nature a donc cessé, et sa nature fut mauvaise avant de recevoir l’arrangement, et après sa transformation elle a pu se départir de sa nature ?

XLIV. Il ne me reste plus qu’à montrer comment Dieu a opéré, selon toi. Ici tu t’éloignes des philosophes sans te rapprocher des prophètes. Les stoïciens veulent que Dieu ait coulé à travers la Matière comme le miel à travers les rayons. Mais toi, que dis-tu ? Ce n’est pas en là pénétrant de toutes parts qu’il en a créé le monde, mais seulement en se montrant à elle, en s’approchant d’elle, ainsi que le fait la Beauté par sa seule apparition, ou comme le fait l’aimant par sa simple approche. Je le demande,