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n’exprime rien de droit, c’est-à-dire rien de certain ? Il faut, si je ne me trompe, que toute chose soit corporelle ou incorporelle. Quand je lui accorderais pour un moment qu’il y a parmi les substances quelque chose d’incorporel, quoique la substance soit le corps de chaque chose, toujours est-il qu’après le corporel et l’incorporel, il n’existe pas de troisième être. Eh bien ! d’accord, il en existe un troisième. Il a été découvert par cette droite raison d’Hermogène, qui ne fait la Matière ni corporelle ni incorporelle. Mais où est-il ? quel est-il ? comment s’appelle-t-il ? comment le représenter ? comment le reconnaître ? Sa raison ne lui a dit qu’une chose : « La Matière n’est ni corporelle, ni incorporelle. »

XXXVI. Voilà toutefois qu’il se contredit, ou bien peut-être je ne sais quelle autre raison se présente à lui, en lui annonçant que la Matière est moitié corporelle et moitié incorporelle. Quoi donc ? Faudra-t-il que la Matière soit l’un et l’autre à la fois, de peur de n’être ni l’un ni l’autre ? Elle sera corporelle et incorporelle, malgré la déclaration de cette droite raison qui ne rend pas certainement raison de sa pensée, pas plus qu’elle n’explique autre chose. Il veut donc que la partie corporelle de la Matière serve à la formation des corps ; sa partie incorporelle, ce sera son mouvement désordonné. Si en effet, dit-il, elle n’était que corps, on ne découvrirait en elle rien d’incorporel, c’est-à-dire le mouvement. Si, au contraire, elle eût été complètement incorporelle, il n’en sortirait aucun corps. Oh ! la droite raison que celle-là ! A moins toutefois, ô Hermogène, que si tu tires des lignes aussi droites que ta raison, il n’y ait pas de peintre plus stupide que toi. Qui donc te permet de regarder le mouvement comme la moitié de la substance, puisque loin d’être quelque chose de substantiel, par la même qu’il n’est pas corporel, il n’est qu’un accident de la substance ou du corps, tel que l’action, l’impulsion, le glissement, la chute : voilà le mouvement. Qu’un corps se meuve par lui-même, son acte est un