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de là le sommeil mêlé ordinairement à l’extase, et la nature de l’extase formée sur celle d’Adam. D’ailleurs, nos songes nous réjouissent, nous attristent, nous épouvantent ; avec quelle douceur ! avec quelle anxiété ! avec quelle torture ! tandis que de fantastiques imaginations ne nous troubleraient aucunement, si nous étions maîtres de nous-mêmes pendant que nous rêvons. Enfin, les bonnes œuvres sont inutiles dans le sommeil, et les fautes ont leur sécurité, puisque nous ne serons pas plus condamnés pour un fantôme de volupté, que couronnés pour un fantôme de martyre.

Et comment, me diras-tu, l’âme se souvient-elle de ses songes, puisqu’elle ne peut avoir la conscience de ses opérations ? Telle sera la propriété de cette démence, parce qu’au lieu de provenir de la maladie, elle a sa raison dans la nature ; car elle ne bannit pas l’esprit, elle le détourne. Autre chose est renverser, autre chose mouvoir, autre chose est détruire, autre chose agiter. Conséquemment, ce que fournit la mémoire est le fait d’un esprit sain ; ce qu’un esprit sain poursuit dans l’extase, sans en perdre la mémoire, est un espèce de démence. Voilà pourquoi cet état s’appelle rêve et non aliénation ; voilà pourquoi nous sommes alors dans notre sens, ou jamais. Car, quoique notre raison soit voilée en ce moment, elle n’est pas éteinte, si ce n’est qu’alors elle peut paraître superflue ; or, la vertu propre à l’extase, c’est de nous apporter les images de la sagesse aussi bien que de l’erreur.

XLVI. Voilà que nous sommes contraints de discuter la nature des songes eux-mêmes par lesquels l’âme est mise en mouvement. Et quand parviendrons-nous à la mort ? Ici, je répondrai quand Dieu le permettra. Ce qui doit arriver ne se fait pas attendre longtemps.

Epicure, en débarrassant la divinité de tout soin, en détruisant le plan de l’univers, et en livrant ce monde complètement passif au hasard et à la fortune, a jugé que les songes étaient absolument vains. Or, s’il en est ainsi, la vérité