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la forme aux bonnes mœurs ; qui, luttant pour la vérité, d’autant plus odieuse qu’elle est plus parfaite, supporte non pas seulement les injustes condamnations d’une ville, mais de tout l’univers, et boit la mort, non pas à une coupe empoisonnée et comme par divertissement, mais expire sur les gibets et sur les bûchers, à travers les supplices les plus raffinés. Voilà la sagesse qui, dans ce cachot ténébreux du siècle, parmi ses Cébès et ses Phédons, doit se diriger d’après les règles de Dieu dans l’examen de l’âme. Jamais elle ne trouvera de docteur plus capable de lui expliquer l’âme, que celui qui l’a créée. Qu’elle apprenne de Dieu à connaître ce qu’elle tient de lui : ou s’il refuse de l’éclairer, qu’elle ne le demande à nul autre. Qui en effet révélera ce que Dieu a caché ? Il faut questionner le même Dieu auprès duquel il est plus sûr d’ignorer : car il vaut mieux ne pas savoir parce que Dieu n’a pas révélé, que de savoir par l’homme, en s’appuyant sur ses conjectures.

II. Nous ne dissimulerons pas cependant qu’il est arrivé à des philosophes de se rencontrer avec nous ; c’est un témoignage de la vérité, et aussi de l’événement lui-même. Parfois, dans cette longue tempête qui trouble le ciel et la mer, ils sont jetés au port par un heureux égarement ; parfois, au milieu des ténèbres, ils découvrent une issue par un aveugle bonheur : mais la plupart des vérités leur étaient suggérées par la nature, en vertu de ces notions communes à tous, dont Dieu a daigné doter l’âme. La philosophie, ayant trouvé sous sa main ces notions premières, les enfla pour en faire honneur à son art, uniquement jalouse (qu’on ne s’étonne pas de mes paroles !) d’un langage habile à tout édifier comme à tout renverser, et qui persuade plus par des mots que par des enseignements. Elle impose aux choses des formes : ici elle les égale, là elle les anéantit ; elle préjuge l’incertain d’après le certain ; elle en appelle aux exemples, comme si toutes choses pouvaient se comparer ; elle assigne des lois à des propriétés diverses même dans des substances semblables ; elle ne laisse