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sac de cuir, les harpons, les roches aiguës, quel malfaiteur ne serait pas intéressé à subir sa sentence chez Pythagore ou Empédocle ? En effet, combien ceux qui, pour être punis par l’esclavage et le travail, passeront dans le corps des bêtes de somme, n’auront-ils pas à s’applaudir du moulin et de la roue qui recueille l’eau, quand ils se souviendront des mines, des loges, des travaux publics et des cachots eux-mêmes, quelque oisifs qu’ils soient !

De même, je cherche les récompenses de ceux qui auront livré au juge une vie intègre et vertueuse, ou plutôt je ne rencontre que leurs supplices. Merveilleuse récompense, en vérité, pour les hommes de bien, que de revivre dans le corps de chaque animal ! Homère se souvient d’avoir été paon ; ainsi l’a rêvé Ennius. Mais je n’en croirai pas les poètes, même éveillés. Si beau que soit ce paon, quelque soit l’éclat de ses couleurs, ses plumes n’en sont pas moins muettes, sa voix n’en déplaît pas moins ; et les poètes n’aiment rien tant que de chanter : Homère changé en paon est donc plus condamné qu’honoré. Il se réjouira davantage du salaire que lui réserve le siècle, où il est proclamé le père des sciences libérales, préférant les ornements de sa gloire à ceux de sa queue. Eh bien ! d’accord, que les poètes soient transformés en paons ou en cygnes, si toutefois la voix des cygnes eux-mêmes a quelque charme : quel animal donneras-tu pour enveloppe au juste Eaque ? Dans quelle bête enfermeras-tu la chaste Didon ? Dans quel oiseau entrera la patience, dans quel quadrupède la sainteté, dans quel poisson l’innocence ? Tous les êtres vivants sont les serviteurs de l’homme : tous lui sont assujettis en esclaves. S’il devient l’un d’eux, il est abaissé. Quoi ! dégrader jusque là un homme auquel la reconnaissance publique a consacré, à cause des services qu’il a rendus, des images, des statues, des titres, des honneurs publics, des privilèges ! auquel le peuple et le sénat offrent des sacrifices et des victimes ! O jugements divins, plus menteurs après la mort que ceux de l’homme, méprisables dans