Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 2.djvu/535

Cette page n’a pas encore été corrigée

vécu sur la terre, rien de mieux attesté dans les anciennes traditions. Ce qui n’a jamais été, vous pouvez le convertir en fantôme ; là où il y a eu réalité, la fiction disparaît. Ainsi donc, puisque l’existence de Saturne est un fait authentique, en vain vous altérez la vérité ; celui que vous ne pouvez vous empêcher de reconnaître pour un homme ne sera pas plus un dieu qu’il ne sera le Temps. L’origine de Saturne est consignée à chaque page de vos monuments littéraires. Nous la lisons dans Cassius Sévérus, dans les deux Cornélius, Népos et Tacite, chez les Romains ; dans Diodore, chez les Grecs, et dans tous ceux qui ont recueilli les débris de l’antiquité.

Au reste, aucune contrée n’a conservé des traces plus fidèles de son passage que l’Italie. En effet, après avoir parcouru différentes contrées, et surtout l’Attique, il se fixa dans l’Italie, ou, comme on l’appelait alors, dans l’OEnotrie. Il y fut accueilli par Janus, ou Janès, suivant quelques autres. La colline sur laquelle il habita porte encore son nom. J’en dis autant de la ville qu’il fonda. Partout en Italie on retrouve Saturne. La terre, qui aujourd’hui commande à l’univers, rend témoignage à l’existence de Saturne. Qu’importe que l’on ignore sa naissance ? Chacune de ses actions prouve invinciblement qu’il était homme. Conséquemment, si Saturne était homme, sans doute, ou pour mieux dire, puisqu’il était homme, il n’était donc pas fils du Ciel et de la Terre. Mais comme ses parents étaient inconnus, il était facile de le faire passer pour le fils du Ciel et de la Terre, qu’on peut regarder comme les pères communs de tout ce qui existe. Qui en effet, par respect pour eux, ne donne au Ciel et à la Terre le nom de père et de mère ? N’avons-nous pas même coutume de dire de ceux que nous ne connaissons pas et qui paraissent tout à coup parmi nous, qu’ils sont tombés du ciel ? De là vient que nous appelons céleste tout étranger dont nous ignorons les précédents. Ou bien encore nous appelons ordinairement enfants de la terre ceux dont l’origine