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Pour nous qui n’assimilons rien à Dieu, nous plaçons par là même l’âme bien au-dessous de Dieu, parce que nous reconnaissons qu’elle est née, et conséquemment qu’elle possède une divinité inférieure et un bonheur plus circonscrit ; comme souffle, mais non comme esprit ; immortelle, il est vrai, témoignage de divinité ; mais passible, témoignage de naissance, et conséquemment capable de prévarication dès l’origine, et par suite pouvant oublier.

Nous avons suffisamment discuté ce point avec Hermogène. D’ailleurs, pour que l’âme puisse à bon droit être regardée comme un Dieu par l’identité de toutes ses propriétés, il faudra qu’elle ne soit exposée à aucun trouble, ni par conséquent à l’oubli, puisque l’oubli est pour une âme aussi honteux que lui est glorieuse la mémoire, appelée par Platon lui-même la vie du sentiment et de l’intelligence, et par Cicéron, le trésor de toutes les connaissances. Il ne s’agit plus maintenant de mettre en doute si l’âme que l’on fait si divine a pu perdre la mémoire, mais si elle a pu recouvrer la mémoire qu’elle avait perdue. Je ne sais en effet si celle qui n’a pas dû oublier, en admettant qu’elle ait oublié, sera assez puissante pour se souvenir : ainsi l’une et l’autre faculté convient à mon âme ; à celle de Platon, aucunement.

En second lieu je lui objecterai : Est-ce en vertu de sa nature, ou non, que tu assignes à l’âme la connaissance de ces idées ? —En vertu de sa nature, me réponds-tu. — Eh bien, personne ne t’accordera que la connaissance des propriétés inhérentes à la nature puissent défaillir. Les études, les doctrines, les méthodes s’échapperont de la mémoire ; peut-être même les aptitudes et les affections : quoiqu’elles semblent inhérentes à la nature, elles ne le sont pas néanmoins, parce que, comme nous l’établissions plus haut, elles subissent les influences des lieux, des institutions, de la corpulence, de la santé, des puissances dominatrices, des déterminations du libre arbitre, et enfin de toutes les vicissitudes. Mais la connaissance des choses