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pourquoi non ? Elle sait, quand il lui convient, transformer en auxiliaires ses ennemis eux-mêmes, et elle courbe à ses pieds cette multitude de persécuteurs.

C’est contre tous ces préjugés que nous avons à lutter, contre les institutions, les ancêtres, l’autorité de la chose reçue, les lois des gouvernants, les raisonnements des sages ; contre l’antiquité, la coutume, la nécessité ; contre les exemples, les prodiges, les miracles, dont le secours a fortifié toutes ces divinités adultères. Voulant donc m’appuyer sur les commentaires que vous avez empruntés aux théologies de toute nature, parce que dans ces matières la littérature a chez vous plus de poids que la nature des choses, j’ai choisi pour point de départ les ouvrages de Varron, qui ayant soigneusement compilé et interprété tout ce qui a été dit avant lui sur vos dieux, sera pour nous un excellent guide. Si je lui demande qui a introduit les dieux, il me répond aussitôt que ce sont les philosophes, les peuples ou les poètes. Voilà donc les dieux divisés par lui en trois classes : les dieux physiques ou naturels, qui doivent leur existence aux philosophes ; les dieux allégoriques ou mythiques, éclos dans le cerveau des poètes ; enfin les dieux nationaux, que les différents peuples ont adoptés. Ainsi puisque les philosophes déifièrent leurs vagues conjectures, tandis que de leur côté les poètes empruntaient à la fable leurs dieux mythiques et que les peuples s’en forgeaient d’autres au gré de leurs caprices, où faudra-t-il chercher la vérité ? dans les conjectures ? mais qui dit conjecture, dit incertitude. Dans la fable ? mais ce n’est qu’un tissu d’absurdités. Dans l’adoption populaire ? Mais une divinité adoptée n’est qu’une divinité passive, sans compter qu’elle est municipale. En un mot, les philosophes ne sauraient nous guider, parce qu’il n’y a chez eux qu’incertitude et désaccord ; les poètes en sont indignes, parce qu’ils ne marchent qu’à travers l’infamie ; quant aux peuples, tout y est passif, parce que tout y est le fruit du caprice. Or, l’essence de la divinité, quand on l’étudie