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que la bourse à la main ; elle rapporte même plus à vos publicains qu’à vos prêtres.

Mais c’est peu que de négliger ou de vendre vos dieux ; il faut encore que vous les insultiez jusque dans les honneurs que vous voulez bien leur rendre. En effet, quels honneurs leur rendez-vous que vous ne rendiez également aux morts ? Vous élevez des temples aux dieux ; vous élevez des temples aux morts : vous dressez des autels aux dieux ; vous dressez des autels aux morts. Vous y gravez des inscriptions de même nature. Vous donnez de part et d’autre à leurs statues les mêmes formes, appropriées à leur génie, à leur profession, à leur âge. Saturne y est représenté comme un vieillard ; Apollon comme un adolescent ; Diane est vêtue en jeune vierge, Mars en soldat, et Vulcain en forgeron. Il n’est donc pas étonnant que vous offriez aux morts les mêmes victimes et les mêmes parfums qu’aux dieux. Mais comment vous défendre de l’affront que vous faites à vos dieux en les assimilant à des morts ? Il est bien vrai que vous assignez aussi à vos rois des sacerdoces, des cérémonies religieuses, des chars sacrés, des solisternium, des lectisternium [1], des jours de naissance, et des jeux. Vous avez raison, puisque le ciel leur est aussi ouvert ; mais cela est encore un outrage de plus pour les dieux. D’abord, il ne convient pas de mettre déjà au rang des dieux ceux qui ne le deviendront qu’après leur mort. En second lieu, Proculus qui contemple son Dieu reçu dans le ciel, ne se parjurerait pas avec tant de liberté et si manifestement devant le peuple, s’il ne méprisait pas ceux au nom desquels il se parjure, autant que ceux qui lui permettent de se parjurer. En effet, ils confessent ainsi que la chose par laquelle vous vous parjurez n’est que néant ; ils font mieux : ils récompensent le parjure, parce qu’il a méprisé publiquement les vengeurs du parjure.

  1. Cérémonies qui consistaient à placer les images des dieux ou des rois sur des lits garnis de coussins, autour d’une table bien servie.