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calendes de janvier cependant, le consul Gabinius, approuvant à peine quelques victimes, à cause de la multitude ameutée, parce qu’il n’avait rien décidé au sujet de Sérapis et d’Isis, consulta plus la prohibition du sénat que l’effervescence de la multitude, et défendit qu’on leur érigeât des autels. Vous le voyez ! vous avez parmi vos ancêtres, sinon des Chrétiens de nom, au moins une secte chrétienne de fait, qui méprisait vos dieux.

Passe encore si, comme vos pères, vous rendiez à vos divinités un culte entier, tout irréligieux qu’il est. Mais vous avez fait des progrès dans la superstition comme dans l’impiété. En effet, quel respect avez-vous pour les dieux privés, ces Lares et ces Pénates que vous honorez par une consécration domestique, mais que vous foulez aussi aux pieds avec une liberté toute domestique en les vendant et en les mettant en gage, selon vos besoins ou d’après vos caprices ? Ces sacrilèges seraient sans doute excusables, s’ils n’étaient d’autant plus insultants, qu’ils s’adressent à des divinités d’un rang inférieur.

C’est probablement pour consoler les pauvres dieux domestiques de tous ces affronts, que vous traitez vos dieux publics avec plus de dédain encore. Vous les vendez à l’encan ; proscrits tous les cinq ans, vous les affermez parmi vos revenus ; ils sont soumis aux impôts, adjugés par le crieur public, inscrits sur les registres du questeur comme le temple de Sérapis, comme le Capitole lui-même. Des terres, chargées d’impôts, perdent beaucoup de leur prix ; des hommes, soumis à la capitation, en sont moins estimés. Ce sont là des marques de servitude. Il n’en va pas de même de vos dieux ; plus ils paient d’impôts, plus ils sont honorés, ou plutôt, plus ils sont honorés, plus ils paient d’impôts. Vous trafiquez de la majesté des dieux ; la religion devient un négoce ; la sainteté mendie un droit tant pour entrer dans le temple ; tant pour la place près de l’autel, tant pour le seuil, tant pour la porte. Vous vendez la divinité en détail ; il est impossible de l’adorer autrement