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dur pour qui l’entend. Tout le crime des mots s’arrête là ; ils ne peuvent être coupables que de barbarisme, de même que les phrases de solécisme ou de tour vicieux. Mais le nom de Chrétien équivaut dans son sens à onction : ainsi ce nom que vous nous appliquez souvent sans le comprendre (car vous ne connaissez même qu’imparfaitement notre nom) ne respire que bonté, que douceur. C’est donc un nom innocent que vous persécutez dans des hommes innocents, un nom qu’articule aisément la langue, qui ne choque point l’oreille, qui n’est point fatal à l’homme ni de mauvais présage pour la patrie ; un nom enfin qui est grec comme bien d’autres, sonore dans ses éléments, et agréable dans sa signification. Vous le voyez : un nom ne peut être châtié ni par le glaive, ni par la croix, ni par la dent des bêtes féroces.

IV. Mais une secte, répondez-vous, doit être punie dans le nom de son auteur. D’abord, il a été reçu de tout temps qu’une secte porte le nom de celui qui l’a fondée. Les philosophes ne s’appellent-ils pas Pythagoriciens et Platoniciens, du nom de leurs maîtres, de même que les médecins des Erasistrate, et les grammairiens des Aristarque ? Une mauvaise secte remonte-t-elle à un mauvais fondateur ? elle est punie par le mauvais nom dont elle hérite. C’est donc prendre les choses au rebours. Il fallait connaître d’abord l’auteur pour connaître ensuite la secte, plutôt que de chercher à connaître l’auteur d’après sa secte même. Mais vous, qui ne connaissez pas notre secte parce que vous ignorez son auteur, ou qui ne remontez pas à son auteur parce que vous ne connaissez pas davantage sa secte, que vous arrive-t-il nécessairement ? Vous vous heurtez contre un nom seul, comme si dans ce nom vous aviez surpris tout à la fois et la secte et le maître que vous ne connaissez pas. Vos philosophes cependant ont la liberté de se séparer de vous par leur secte, par leur auteur, par leur nom. Personne qui soulève la haine contre eux, lorsqu’en public ou en secret