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était constatée, on nous condamnerait en les désignant, et la sentence s’exprimerait ainsi : Un tel a été convaincu d’homicide, d’inceste, ou de tout autre crime qu’on nous impute. Qu’il soit suspendu à la croix ou livré aux bêtes. Or vos sentences ne portent rien, sinon qu’il s’est déclaré Chrétien. Ce n’est pas le nom d’un crime qui nous condamne, c’est le crime d’un nom. Aussi voilà tout le motif de la haine qui se soulève contre nous. C’est notre nom qui est en cause. Je ne sais quelle force mystérieuse l’attaque par votre ignorance. Vous ne savez pas qui nous sommes, et vous ne voulez pas le savoir. De là vient que vous ne croyez pas à une innocence qui peut se prouver et afin de ne pas croire à une innocence qui se prouverait facilement, vous refusez l’enquête juridique, afin qu’un nom odieux demeure sous le poids d’une prévention perpétuelle. Cela est si vrai, qu’on nous contraint de nier, pour nous obliger de renoncer à un nom que l’on hait. Aussitôt que nous l’avons renié, nous sommes libres, et l’impunité nous est acquise. Dès lors plus d’infanticides, plus d’incestueux : tous ces crimes ont disparu avec notre nom.

Mais puisque nous en sommes sur cette matière, vous qui cherchez avec tant de violence à détruire un nom, dites-nous donc quels peuvent être le crime, l’offense et la faute d’un nom ? Nous vous opposons tous les jours cette prescription : Vous n’avez pas le droit de juger sur un crime imaginaire, qui n’est point mentionné dans vos codes, qui n’est point défini dans vos actes d’arrestation, qui n’est point exprimé dans vos sentences. Montrez-moi un juge qui préside aux débats, une cause que l’on instruit, un accusé qui répond ou qui avoue, et un avocat qui plaide, alors je dirai qu’il y a un coupable. Mais quand il s’agit de la valeur d’un nom, si l’on fait le procès à un mot, si l’on accuse un terme, je ne vois pas ce que l’on peut reprocher à un terme ou à un mot, sinon d’être barbare, de funeste présage, inconvenant pour qui le prononce, ou