Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 2.djvu/465

Cette page n’a pas encore été corrigée

avaient souvent condamné les Chrétiens. Le Chrétien n'est l'ennemi de personne, à plus forte raison du prince. Comme il sait qu'il est établi par son Dieu, il faut nécessairement qu'il le respecte, qu'il l'honore, qu'il prie pour la conservation de ses jours, et pour le salut de l'empire romain, tant que le siècle subsistera; car leurs destinées sont liées l'une à l'autre. Nous honorons donc la personne de César, ainsi qu'il nous est permis de l'honorer, et qu'il est expédient à lui-même, comme un homme le second après Dieu, qui tient de Dieu tout ce qu'il est, et n'a de supérieur que Dieu. César lui-même doit souscrire à ces hommages. En le faisant inférieur à Dieu seul, nous le plaçons au-dessus de tous les autres hommes. Par là même il est plus grand que vos dieux, puisqu'ils sont en sa puissance. Nous sacrifions donc pour le salut de l'Empereur, mais en nous adressant à Dieu, notre maître et le sien, mais conformément à sa loi, par de chastes et pacifiques prières. Le Créateur de l'univers, en effet, n'a pas besoin d'un peu de sang ou de fumée; ce sont là les aliments des démons.

Quant aux démons, non seulement nous les méprisons, mais nous les combattons, nous les livrons tous les jours à la risée publique, nous les chassons du corps des hommes, comme tout le monde le sait. Ainsi, nous prions bien plus efficacement pour l'Empereur en demandant son salut à celui-là seul qui peut l'accorder.

Que nous obéissions en toutes choses à la loi de la patience que Dieu nous a enseignée, il est facile de vous en convaincre, puisque, malgré notre immense multitude, qui forme presque la majorité dans chaque ville, tel est notre silence, telle est notre réserve, que vous ne nous connaissez qu'individuellement, en rassemblements tumultueux jamais, ne nous distinguant des autres citoyens que par la réforme de nos vices. A Dieu ne plaise, en effet, que nous murmurions contre des souffrances qui comblent nos désirs, ou que nous tramions par nos mains une vengeance que nous attendons de Dieu!