Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 2.djvu/456

Cette page n’a pas encore été corrigée

afin que de là il vous conduise au Seigneur. La prison est la forteresse où le démon enferme sa famille. Mais pour vous, vous n’avez franchi ces portes que pour fouler aux pieds l’ennemi jusqu’au centre de son empire, et y achever un triomphe commence ailleurs. Qu’il ne puisse donc pas dire : Ils sont chez moi ; je les tenterai par de basses animosités, par de lâches affections, par des rivalités jalouses. Non ; qu’il fuie à votre aspect ; qu’il aille se cacher au fond de son repaire, honteux et rampant, comme un de ces reptiles que l’on chasse par des paroles ou des flammes magiques. Qu’il ne soit point assez heureux pour vous commettre l’un avec l’autre jusque dans son domaine ; mais qu’il vous trouve toujours prêts et armés de concorde. Car votre paix à vous, c’est sa plus cruelle guerre ; paix, au reste, si précieuse, que les infortunés qui l’ont perdue dans l’Église, vont d’ordinaire la demander aux martyrs dans leurs cachots. Raison de plus pour la garder parmi vous, pour la maintenir avec persévérance, afin qu’il vous soit possible de la distribuer aux autres.

II. Quant aux souvenirs et aux embarras du monde, ils ont dû s’arrêter sur le seuil de votre prison, ainsi que vos proches eux-mêmes. Depuis ce moment vous êtes séparés du monde ; ou plutôt, si vous voulez vous rappeler que le monde est une vaste prison, vous comprendrez qu’au lieu, d’entrer dans une prison, vous en êtes sortis véritablement. Le monde est mille fois plus ténébreux que vos cachots : ses ténèbres aveuglent les cœurs. Le monde a des liens plus terribles ; ses liens enchaînent les âmes. Le monde respire des miasmes plus empoisonnés ; ce sont les passions des hommes. Le monde renferme ulus de coupables : j’allais dire le genre humain tout entier. Là ce n’est pas le proconsul, c’est Dieu qui condamne. Concluez-en donc, bienheureux confesseurs, que vous avez échangé une prison contre un asile inviolable. Vous habitez un séjour ténébreux, mais « vous êtes la lumière. » Des liens vous enchaînent,