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la persécution jette le Chrétien hors des voies du salut, soit qu’elle tourne à son profit et à sa gloire. A moins de soutenir que le Seigneur condamne ou sauve sans raison, qui pourra donc appeler du nom de mal la persécution qui, dans les mains de la sagesse divine, tourne au profit du bien, même par le mal qu’elle fait ? A quelque titre que la persécution soit bonne, puisque son essence nous est connue, nous avons droit, d’affirmer qu’il ne faut pas fuir ce qui est bon, parce que c’est un péché de fuir ce qui est bon, surtout ce que Dieu a estimé bon. Nous ajoutons d’ailleurs qu’il est impossible de l’éviter, parce que c’est Dieu qui l’envoie, et que l’on ne peut se soustraire à sa volonté. Ainsi ceux qui veulent fuir, ou reprochent à Dieu le mal, s’ils fuient la persécution comme un mal, car on ne se dérobe point à une chose avantageuse ; ou bien ils se croient plus forts que Dieu, puisqu’ils s’imaginent qu’ils pourront échapper, si Dieu veut qu’il arrive quelque chose de semblable.

V. — « Mais je fuis autant qu’il est en moi, dit-on, de peur de me perdre, si je renie ma foi. A Dieu de me ramener au milieu des persécuteurs que j’ai fui, si telle est sa volonté ! »

Réponds-moi d’abord. Es-tu certain ou non que tu renieras ta foi en ne fuyant pas ? Si tu en es certain, tu l’as déjà reniée, parce que conjecturer que tu la renieras, c’est avoir pris l’engagement de ce qui établit tes conjectures, et alors lu fuis vainement pour ne point apostasier, puisque ton apostasie est consommée, si tu dois apostasier. Si, au contraire, tu n’en es pas sûr, pourquoi, entre deux chances également incertaines, ne pas espérer que lu auras la force de confesser ta foi, admettant la possibilité de ton salut pour ne pas fuir, de même que tu admets la possibilité de l’apostasie pour prendre la fuite ? La victoire ou la défaite sont tout entières entre nos mains, ou tout entières dans les mains de Dieu. Si la confession ou l’apostasie dépend de nous, pourquoi n’embrasserions-nous