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TERTULLIEN.


mais l’homme de bien ne peut se réjouir du supplice d’un criminel : loin de là ! il doit s’affliger de ce qu’un homme, son semblable, est devenu assez coupable pour mériter un traitement si cruel. Mais qui me garantira qu’on ne livre aux bêtes féroces ou à tout autre supplice que des criminels ? la vengeance d’un juge, la négligence d’un avocat, les tortures prolongées de la question, n’ont-elles jamais sacrifié l’innocence ? Qu’il me vaut mieux ignorer quand les méchants sont punis, afin d’ignorer également quand les hommes de bien périssent, si toutefois ils sont hommes de bien ! Certainement il y a des gladiateurs innocents qui sont traînés à l’amphithéâtre, victimes destinées au plaisir de la multitude. D’autres sont condamnés à combattre ; mais quelle absurdité que, pour un délit léger, au lieu de les corriger, on en fasse des homicides !

Au reste, je n’ai répondu ici qu’aux païens. À Dieu ne plaise qu’un Chrétien veuille en savoir davantage pour renoncer aux spectacles ! Toutefois personne ne peut mieux raconter les infamies de l’amphithéâtre que celui qui le fréquente encore. Pour moi, j’aime mieux tromper l’attente qu’éveiller le souvenir.

XX. Qu’elle est donc vaine, ou plutôt qu’elle est misérable, l’argumentation de ceux qui, par la crainte de perdre un plaisir, prétendent que les Écritures ne renferment aucune mention particulière qui oblige à s’en abstenir, ou qui empêche directement le serviteur de Dieu de paraître dans ces assemblées ! J’ai entendu dernièrement la défense toute nouvelle d’un de ces partisans des jeux : « Le soleil, disait-il, je me trompe, Dieu lui-même regarde les spectacles du haut du ciel : est-il souillé pour cela ? » — Sans doute, le soleil traverse de ses rayons les égouts, sans en devenir moins pur. Mais qu’il serait à souhaiter que Dieu ne regardât pas les infamies des hommes, afin qu’il nous fût possible de nous dérober tous à ses jugements ! Mais il les voit. Il voit nos brigandages, nos fourberies, nos adultères, nos idolâtries, nos spectacles eux-