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la voix du Père qui lui rendait témoignage ; ou bien : Il a été trompé lorsqu’il toucha la belle-mère de Pierre ; s’il a senti dans la suite l’odeur d’un parfum, le parfum diffère de celui qu’il a reçu pour sa sépulture ; s’il a goûté la saveur d’un vin, ce n’est pas le vin qu’il consacra en commémoration de son sang. » N’est-ce pas en vertu de ce système que Marcion aima mieux le croire un fantôme, dédaignant la vérité de son corps tout entier ? Disons plus. Ses apôtres ne furent pas non plus le jouet de l’illusion. Leurs yeux et leurs oreilles furent véridiques sur la montagne ; leur goût fut véridique aux noces de Cana, sur ce vin, quoique auparavant il ne fût que de l’eau. La main de Thomas, qui crut ensuite, fut véridique. Lis le témoignage de Jean : « Nous vous annonçons la parole de vie, qui était dès le commencement, que nous avons entendue, que nous avons vue de nos yeux, que nous avons considérée et que nos mains ont touchée. » Témoignage imposteur, si les dépositions de nos yeux, de nos oreilles et de nos mains ne sont par nature qu’un mensonge.

XVIII. J’arrive maintenant à l’intellect, tel que Platon le transmit aux hérétiques, séparé des sensations corporelles, obtenant ainsi la connaissance avant la mort. En effet, il dit dans le Phédon : Que penser de la possession elle-même de la sagesse ? Le corps y sera-t-il un obstacle ou non, si quelqu’un le prend pour associé dans cette recherche ? Je m’explique avec plus de précision. La vue et l’ouïe renferment-elles ou non pour l’homme quelque vérité ? Les poètes ne nous murmurent-ils pas incessamment à l’oreille que nous n’entendons, que nous ne voyons rien avec certitude ? Il se rappelait sans doute ce vers d’Epicharme le comique : « C’est l’esprit qui voit, l’esprit qui entend ; tout le reste est sourd ou aveugle. » Aussi le philosophe établit-il ailleurs, que celui-là est le plus éclairé qui est éclairé surtout par le raisonnement, sans consulter la vue, sans mêler à l’esprit aucun sens de cette nature, mais qui apporte à la méditation l’intégrité de l’