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de ses alarmes et de ses périls. On n’en combat pas moins de toutes ses forces : après avoir accusé la guerre, on se réjouit de la victoire, parce qu’on en sort chargé de gloire et de butin. Notre champ de bataille à nous, ce sont vos tribunaux où l’on nous traîne, et en face desquels nous combattons pour la vérité, au péril de notre tête. Notre victoire, c’est le suffrage de Dieu ; notre butin, l’éternité. Nous perdons la vie, il est vrai ; mais nous emportons le trophée en mourant. En mourant, nous triomphons, nous échappons à nos ennemis. Insultez à nos douleurs tant qu’il vous plaira ! Appelez-nous hommes de poteaux et de sarments, parce que vous nous immolez au pied des poteaux, sous la flamme du sarment. Voilà nos palmes à nous, voilà notre pourpre, voilà notre char de triomphe. Les vaincus ont bien sujet de ne pas nous aimer ; aussi nous regardent-ils comme des furieux et des désespérés.

Mais que cette fureur et ce désespoir soient allumés chez vous par une vaine passion de gloire et de réputation, ils se convertissent en étendard d’héroïsme. Scevola brûle volontairement sa main sur un autel : quelle constance ! Empédocle se précipite dans le gouffre embrasé de l’Etna : quelle énergie ! La fondatrice de Carthage, je ne sais quelle Didon, livre au bûcher son second hymen : ô prodige de chasteté ! Régulus, plutôt que de vivre, échangé contre plusieurs ennemis, endure dans son corps mille et mille aiguillons : ô magnanimité romaine, libre et triomphante jusque dans les fers ! Anaxarque, pendant qu’on le broie dans un mortier, s’écrie : « Broyez, broyez l’enveloppe d’Anaxarque ! car, pour Anaxarque, il ne sent rien : » admirable force d’ame, énergique philosophie qui plaisante jusque dans les angoisses d’une pareille mort ! Laissons de côté ceux qui ont cherché la louange publique dans leur propre poignard, ou dans quelque genre de mort plus doux : vous-mêmes, vous couronnez la constance dans les supplices. Une courtisane d’Athènes, après avoir