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extérieure ; avec Moschion, qu’elle flotte çà et là dans toute l’étendue du corps ; avec Platon, qu’elle est renfermée dans la tête ; avec Xénocrate, qu’elle siège sur le sommet du front ; avec Hippocrate, qu’elle repose dans le cerveau. On ne la placera pas non plus vers la base du cerveau, comme Hérophile ; dans les membranes qui enveloppent ce dernier, comme Straton et Erasistrate ; dans le milieu des sourcils, comme Straton le physicien ; ni dans toute la cuirasse de la poitrine, comme Epicure. Les Egyptiens avaient déjà reconnu cette vérité, ainsi que ceux qui passent pour les interprètes des choses divines, comme le témoigne ce vers d’Orphée ou d’Empédocle : « Le sens est le sang qui nage autour du cœur. » Il y a mieux. Protagoras, Apollodore et Chrysippe eux-mêmes sont de cette opinion, de sorte qu’Asclépiade, réfuté par eux, cherche ses chèvres qui bêlent sans cœur, et chasse ses mouches qui voltigent sans tête, et que tous ceux qui préjugent les dispositions de l’âme humaine d’après la condition des bêtes, savent que ce sont eux plutôt qui vivent sans cœur et sans cervelle.

XVI. Platon s’accorde avec la foi quand il partage l’âme en deux, le raisonnable et l’irraisonnable. Nous applaudissons, il est vrai, à cette définition, mais sans attribuer l’un et l’autre à la nature. Le raisonnable doit être regardé comme inhérent à la nature, puisqu’il est communiqué à l’âme dès l’origine, par un créateur essentiellement raisonnable. Comment ne serait-il pas raisonnable ce que Dieu a produit par son ordre, à plus forte raison ce qu’il a créé proprement de son souffle ? Il faut regarder comme postérieur l’irraisonnable, attendu qu’il provient de la suggestion du serpent, je veux dire cette prévarication première qui par la suite s’implanta dans l’âme et grandit avec elle, à la manière d’une propriété de la nature, parce qu’elle coïncida avec le commencement de la nature[1]. D’

  1. Saint Augustin a presque copié cette phrase : vitium pro naturâ inolevit, dit-il en parlant du péché originel.