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aux mines, relégués dans les îles ou détenus dans les prisons, uniquement pour la cause de Dieu, la religion qu’ils ont confessée les nourrit de ses aumônes.

Il est vrai que l’exercice de cette charité a fourni contre nous de nouvelles armes à la calomnie. « Voyez, s’écrie-t-on, comme ils s’aiment ! » car, pour nos censeurs, ils se. haïssent mutuellement. « Voyez comme ils sont prêts à mourir les uns pour les autres ! » Pour eux, s’ils sont disposés à quelque chose, c’est plutôt à s’entre-égorger. Quant au nom de frère que nous nous donnons, ils le décrient, parce que chez eux les noms de parenté ne sont que des expressions trompeuses d’attachement. Cependant nous sommes aussi vos frères par le droit de la nature, la mère commune du genre humain. Il est vrai que vous êtes de mauvais frères ; à peine êtes-vous des hommes. De véritables frères, ceux qui méritent ce titre, sont ceux qui reconnaissent pour père le même Dieu, qui ont reçu les effusions du même esprit de sainteté, qui, sortis du même sein de l’ignorance, se sont inclinés avec transport devant le soleil de la vérité.

Mais peut-être que l’on nous conteste notre légitimité, ou parce que notre union fraternelle ne retentit jamais sur vos théâtres, ou parce que nous vivons en commun et en frères des mômes biens qui chez vous arment le frère contre le frère. Fondus les uns dans les autres par un saint mélange, nous ne faisons aucune difficulté de partager nos biens ; tout est commun dans notre société, hormis les femmes. Nous sommes divisés d’avec les autres hommes par le seul point qui les unit ; non-seulement ils usurpent la couche conjugale de leurs amis, ils leur ouvrent complaisamment la leur, à l’imitation sans doute de leurs sages les plus vantés, d’un Socrate chez les Grecs, d’un Caton chez les Romains, qui abandonnèrent à leurs amis des femmes qu’ils avaient épousées, afin qu’elles leur donnassent des enfants dont ils ne seraient pas les pères. Etait-ce malgré elles ? j’en doute fort. Indignement prostituées par leurs propres