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de les obtenir, comme son serviteur, comme son adorateur, prêt à être immolé pour sa loi. Je lui offre la plus précieuse victime qu’il m’a demandée lui-même, la prière partie d’une ame innocente, d’une chair pudique, inspirée par l’Esprit saint. Loin de ses autels quelques grains d’un vil encens, les parfums de l’Arabie, quelques gouttes de vin, le sang d’un bœuf languissant qui appelle la mort : mais, mille fois plus que toutes ces souillures, loin de ses autels une conscience infecte î Une merveille qui m’étonne toujours, c’est que parmi vous les prêtres les plus corrompus choisissent les victimes les plus pures, et que l’on examine plutôt les entrailles des animaux que le cœur des sacrificateurs. Tandis que nous épanchons ainsi notre ame devant Dieu, déchirez-nous, si vous le trouvez bon, avec des ongles de fer, attachez-nous à des croix, que vos flammes nous caressent de leurs langues dévorantes, que vos poignards se plongent dans notre gorge, que vos bêtes féroces bondissent sur nous, la seule attitude du Chrétien en prière vous témoigne qu’il est prêt à tout souffrir ! Courage donc, zélés magistrats ! arrachez à cet homme une ame qui invoque son Dieu pour le salut de l’empereur !… La vérité, le dévouement à Dieu, voilà donc nos crimes !

XXXI. — Mais peut-être qu’adroits flatteurs, nous nous retranchons derrière des vœux hypocrites, pour échapper au supplice par l’imposture. — En vérité, c’est là un artifice qui nous réussit à merveille. Sans doute, vous croyez et vous nous laissez prouver tout ce que nous voulons ! Si cependant vous vous persuadiez que peu nous importe la vie des empereurs, ouvrez nos livres ! ils sont la parole de Dieu ; nous ne les cachons à personne ; différentes circonstances les ont fait passer dans des mains étrangères. Vous y apprendrez qu’il nous est enjoint, par un excès de charité, de prier pour nos ennemis, de souhaiter du bien à nos persécuteurs. Or, quels sont les plus grands ennemis, les plus acharnes persécuteurs des Chrétiens, sinon ceux-là