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est le mal qu’ils opèrent en attendant que leur supplice, déjà commencé, se consomme. Ce qui n’empêche pas toutefois que, tramés en notre présence, ils ne ploient sous le joug et ne rentrent dans leurs chaînes. De loin ils nous bravent : de près ils rampent. Ainsi lorsque, semblables à des esclaves qui, brisant leurs fers, s’échappent de leurs cachots ou des mines qui les retiennent, ils s’élancent contre leurs maîtres avec d’autant plus de fureur qu’ils sentent l’inégalité de leurs forces, obligés alors de combattre ces vils ennemis, nous leur résistons avec une constance égale à leur acharnement, et nous n’en triomphons jamais plus glorieusement que lorsque nous mourons avec intrépidité pour la foi.

XXVIII. Mais puisque, forcer des hommes libres à sacrifier, est une injustice criante, une violence inouïe, attendu que la religion est un acte spontané[1], quoi de plus extravagant que de vouloir contraindre un autre homme de rendre à la divinité des hommages que de lui-même il est assez intéressé à lui rendre ! N’a-t-il pas droit de vous répondre au nom de sa liberté : « Je ne veux pas, moi, des bonnes grâces de Jupiter. De quoi vous mêlez-vous ? Que Janus s’irrite ! qu’il me montre tel visage qu’il voudra, que vous importe ? » C’est pour cela que ces esprits pervers vous ont suggéré le conseil de nous imposer des sacrifices pour le salut des empereurs. Vous vous croyez obligés de nous y contraindre par la force ; et nous, la foi nous ordonne de vous offrir nos têtes.

Nous voilà donc arrivés au crime de lèse-majesté humaine : mais cette majesté est pour vous plus auguste que la majesté divine. Dans vos craintes respectueuses ou vos rusés ménagements, vous vénérez plus César sur son trône que Jupiter dans l’Olympe. En vérité, vous avez raison,

  1. Ce membre de phrase a un second sens également plausible. Le voici : « Quand d’ailleurs on les voit remplir avec zèle d’autres devoirs religieux. »