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Epouse et sœur infortunée de Jupiter, elle ne pouvait rien contre les destins :

                   Car Jupiter lui-même à leur joug est soumis.

Les destins ont donc livré Carthage aux Romains, en dépit des vœux et des efforts de Junon ; et cependant jamais les Romains ne leur ont rendu autant d’honneurs qu’à Larentina, la plus infâme des prostituées.

Il est constant que plusieurs de vos dieux ont régné. Or, si ce sont eux qui aujourd’hui distribuent les royaumes, de qui tenaient-ils les leurs ? Quelles divinités Jupiter et Saturne adoraient-ils ? quelque Sterculus, apparemment ? Mais Sterculus et ses compatriotes n’eurent des autels à Rome que long-temps après. Quant à ceux de vos dieux qui n’ont pas régné, il est certain que de leur temps il y avait des rois qui ne leur rendaient point de culte, puisque ces divinités n’existaient pas encore. Il y avait des princes long-temps avant vos dieux : il faut donc chercher ailleurs les dispensateurs des couronnes.

Mais que c’est avec peu de fondement que l’on attribue aux dieux la grandeur de Rome comme prix des hommages qu’ils en ont reçus, puisque sa grandeur a précédé ces hommages ! Et quoique Numa ait enfanté toutes vos superstitions, néanmoins vous n’aviez de son temps ni statues ni temples ; la religion était frugale, les cérémonies étaient pauvres : alors, pas de Capitole rival de l’Olympe ; quelques autels de gazon dressés à la hâte, des vases d’argile, une fumée légère, de dieu nulle part : le ciseau des Grecs et le génie toscan n’avaient pas encore inondé Rome de statues. En un mot, les Romains n’étaient pas religieux avant d’être grands ; ils ne sont donc pas grands parce qu’ils ont été religieux. Eh ! comment ces magnifiques prospérités les auraient-ils dues à leur religion, puisqu’elles sont l’ouvrage du sacrilège ?

En effet, tout royaume, tout empire, si je ne me trompe, s’