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souffrir c’est sentir. Par conséquent, raisonner c’est sentir ; être mû c’est sentir : ainsi tout cela c’est souffrir. Or, nous remarquons que l’âme n’éprouve aucune de ces affections, qu’on ne puisse les attribuer aussi à l’esprit, parce qu’elles s’accomplissent par lui et avec lui. Que suit-il de là ? L’esprit peut donc entrer en association, contrairement à Anaxagore, et il est passible, en dépit d’Aristote.

D’ailleurs, si on admet la distinction, de manière que l’esprit, et l’âme soient deux substances distinctes, à l’une des deux appartiendront la passion, le sentiment, la réflexion, l’action, le mouvement ; à l’autre le calme, le repos, la stupeur, l’absence de toute action. Point de milieu : ou c’est l’esprit qui est inutile, ou c’est l’âme. Que, s’il est certain que toutes ces choses peuvent être attribuées à tous les deux, l’un et l’autre ne sont donc qu’un. Démocrite aura raison de supprimer entre eux toute différence ; on cherchera comment l’un et l’autre ne sont qu’un. Est-ce par la confusion des deux substances ? est-ce par la disposition d’une seule ? Pour nous, nous soutenons que l’esprit est tellement confondu avec l’âme, qu’au lieu d’être différent de la substance de celle-ci, il en est comme l’agent.

XIII. Il reste à examiner après cela où est la supériorité, c’est-à-dire lequel des deux commande à l’autre, afin que là où sera la prédominance, là soit aussi la supériorité de la substance, et que celui des deux auquel commandera la supériorité de la substance, soit regardé comme un instrument naturel de la substance. Mais comment n’accorderait-on point la suprématie à l’âme, qui a communiqué son nom à l’homme tout entier ? Combien d’ames je nourris ! s’écrie le riche ; et non combien d’esprits. Le pilote souhaite que les âmes soient sauvées, et non les esprits. Le laboureur dans ses travaux, le soldat sur le champ de bataille, dit : Je donne mon âme et non mon esprit. Auquel des deux les périls ou les souhaits empruntent-ils leur nom ? à