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Rougissez d’imputer aux Chrétiens des crimes dont ils sont si éloignés, qu’ils ont même interdit sur leurs tables le sang des animaux, et que par cette raison ils s’abstiennent des bêtes étouffées et mortes d’elle-mêmes, pour ne se souiller d’aucun sang, même de celui que recèleraient leurs entrailles. Vous ne l’ignorez pas, puisque parmi vos moyens de corruption, vous présentez à la foi chrétienne des mets pleins de sang. Or, je vous le demande, pouvez-vous croire que ces hommes accoutumés à ne voir qu’avec horreur le sang des animaux, soient si fort altérés du sang de leurs semblables, à moins peut-être que vous n’ayez trouvé celui-ci plus délicat ? Que ne joignez-vous donc le sang humain au feu et. à l’encens pour éprouver les Chrétiens ! Vous les reconnaîtrez et les enverrez au supplice, s’ils goûtent du sang, comme vous le faites, quand ils refusent de sacrifier. Et certainement vos tribunaux et vos arrêts ne vous laisseront jamais manquer de sang humain.

On nous accuse d’inceste. Mais qui doit être plus incestueux que ceux qui ont reçu des leçons de Jupiter même ? Ctésias écrit que les Perses abusent de leurs propres mères. Les Macédoniens ne sont pas exempts de soupçon, témoin cette indécente équivoque : Subjuguez votre mère, lorsqu’ils entendirent pour la première fois OEdipe déplorant sur le théâtre sa malheureuse destinée. Et parmi vous, jouets éternels d’une passion désordonnée, voyez combien les méprises sont propres à multiplier les incestes. Vous exposez vos enfants, vous les abandonnez à la compassion du premier étranger qui passe, ou vous les émancipez pour les faire adopter à de meilleurs pères. Insensiblement le souvenir d’une famille à laquelle on ne tient plus s’efface, et avec l’erreur l’inceste se répand et se perpétue. Comme cette honteuse passion vous tyrannise et vous suit partout, à la ville, dans les voyages, au-delà des mers, il doit arriver que les fruits déplorables de votre incontinence, semés en tous lieux, inconnus à vous-mêmes,