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moins qu’un nom n’offre à l’oreille un son barbare, ou à l’esprit des idées sinistres ou des images impures. Or, christianus est tiré d’un mot grec qui signifie onction ; il signifie douceur lorsqu’on le prononce peu correctement par un e comme vous le faites. (Car notre nom même ne vous est pas bien connu. ) Il est donc vrai qu’on hait un nom innocent dans des hommes irréprochables. C’est la secte, dit-on, que l’on hait dans le nom de son auteur. Mais est-il inoui que les disciples prennent le nom de leur maître ? D’où vient le nom des platoniciens, des épicuriens, des pythagoriciens ? Les stoïciens et les académiciens ont emprunté le leur du lieu de leurs assemblées ; les médecins, d’Erasistrate ; les grammairiens, d’Aristarque ; les cuisiniers, d’Apicius. A-t-on jamais trouvé mauvais qu’un nom fût transmis par le fondateur avec sa doctrine ? Sans doute, si on prouve évidemment qu’une secte est pernicieuse, que l’auteur est dangereux, on prouvera aussi que le nom est mauvais et odieux, mais à cause de la secte et de l’auteur. De même, avant de prendre en aversion le nom de Chrétien, il fallait s’attacher à connaître la secte par l’auteur, ou l’auteur par la secte. Mais ici, sans nulle information, sans éclaircissement préalable, on accuse, on persécute un nom ; on condamne le Christianisme et son auteur à l’aveugle, sur un simple mot, mais non parce qu’ils sont convaincus.

IV. Après avoir établi, dans cette espèce d’avant-propos, combien est injuste la prévention qui pèse sur nous, je vais maintenant prouver notre innocence. Non-seulement je justifierai les Chrétiens des crimes qu’on leur impute ; mais, devenu à mon tour accusateur, je ferai voir que les vrais coupables, ce n’est pas nous ; je montrerai à nos calomniateurs que nous sommes incapables des horreurs que nous sommes en droit de leur reprocher, et cela, pour les forcer à rougir de leurs préventions contre des hommes à qui ils devraient, je ne dis pas rendre l’hommage que le crime doit à la vertu, mais à qui du moins, pour parler leur