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par l’adoration de l’homme. Oui, toute idolâtrie a commencé par l’adoration de l’homme, puisque les gentils confessent eux-mêmes que leurs dieux étaient autrefois des hommes. Ainsi, que le culte soit rendu aux hommes du siècle passé ou du siècle présent, qu’importe ? Dans l’idolâtrie, ce ne sont pas les hommes qui sont condamnés, c’est la superstition elle-même qui appartient aux démons. « Il faut rendre à César ce qui est à César, » dit l’Apôtre. Heureusement il ajoute aussitôt : « Et à Dieu ce qui est à Dieu. » Mais qu’est-ce qui appartient à César ? Précisément ce qui était l’objet de la discussion : « Fallait-il ou non payer le tribut à César ? Voilà pourquoi le Seigneur demanda qu’on lui montrât une pièce de monnaie. De qui est cette image ? » dit-il. -De César, répondit-on. « Rendez donc à César ce qui est à César, ajouta-t-il, et à Dieu ce qui est à Dieu ; » c’est-à-dire, rendez à César l’image de César, gravée sur la pièce de monnaie ; rendez à Dieu l’image de Dieu, empreinte dans l’homme ; l’argent à César, votre personne à Dieu. Autrement, que restera-t-il pour Dieu, si tout est pour César ?

— Mais c’est donc un honneur réservé à Dieu, me diras-tu, que d’allumer des lanternes devant sa maison, et d’en orner la porte de guirlandes de laurier ?

— Ce n’est point assurément un privilège réservé à Dieu, mais une pratique en l’honneur de celui qui se fait adorer comme un dieu par ces cérémonies, et qui va droit au démon dans sa manifestation extérieure, quelle que soit d’ailleurs la secrète intention que l’on y apporte. Nous savons, en effet, ce qu’ignorent peut-être les hommes étrangers à la littérature profane, que les Romains avaient aussi des dieux pour garder leurs portes ; une Cardéa, de cardo, gond ; un Forculus, de fores, porte ; un Limentinus, de limen, seuil ; un Janus, de janua, porte. Tous ces noms, nous le savons encore, étaient imaginés à plaisir, et vides de sens dans l’origine : mais une fois introduits dans la superstition, les démons et les esprits immondes