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celui qui, le sachant bien, prend de la main d’un ignorant un poison qu’il se garde bien de boire. Celui-ci a une excuse dans la nécessité : il ne peut s’instruire autrement. De même qu’il est plus facile de renoncer à enseigner les belles-lettres qu’à les apprendre, de même il sera plus facile au disciple fidèle de s’interdire les souillures des solennités païennes, publiques ou privées, qu’au maître de s’en abstenir.

XI. Quant au commerce, nous y trouverons à la tête de tous les délits « la cupidité, cette racine de tous les maux, qui, enlaçant plus d’un fidèle, lui a fait faire naufrage dans la foi, » quoique le même Apôtre appelle ailleurs la cupidité une idolâtrie. A la suite arrive le mensonge, ministre de la cupidité. Je ne dis rien du parjure, puisqu’il n’est pas même permis de jurer. Le commerce est-il une occupation convenable à un serviteur de Dieu ? Au reste, retranchez la cupidité, qui est cause que l’on acquiert, la nécessité de commencer disparaît avec la cause qui fait que l’on acquiert. Mais qu’il y ait un gain légitime, pourvu qu’il soit en garde contre les séductions de la cupidité et du mensonge, d’accord ; je crains qu’il n’aille encore heurter à l’idolâtrie, parce qu’il appartient au génie même et à l’ame de l’idolâtrie, ce métier qui engraisse tous les démons. N’est-il pus lui-même la première de toutes les idolâtries ? Qu’importe que les mêmes marchandises, en d’autres termes, que l’encens et les parfums étrangers destinés au culte des idoles, servent également à guérir les malades, et chez nous à ensevelir les morts ? Toujours est-il que la pompe des sacerdoces et des sacrifices idolâtriques étant alimentée par vos périls, vos ; pertes, vos fatigues, vos calculs, vos voyages et vos trafics, vous n’êtes plus rien qu’un pourvoyeur d’idoles. Personne ne niera que l’on peut soulever ce reproche contre tous les genres de commerce. Plus les délits sont graves, plus ils réclament de surveillance, en raison de la grandeur du péril, afin que non-seulement nous nous les interdisions,