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Œnésidème, Anaximène, et aussi Heraclite, suivant quelques-uns. J’en dis autant de la lumière, quoique ce soit le sentiment d’Heraclite du Pont. La pierre de tonnerre n’est pas d’une substance ignée, parce que sa couleur est d’un rouge ardent ; la matière du béryl n’est pas de l’eau, parce qu’il a une blancheur incertaine. Combien d’autres substances que la couleur rapproche, mais que sépare la nature ! Mais comme tout corps délié et transparent, ressemble à l’air, voilà ce que sera l’âme, puisqu’elle est un souffle, et un esprit communiqué. Il est vrai que par la subtilité de ses formes, elle court risque de ne point passer pour un corps. Comprends donc, d’après ton propre jugement, qu’il ne faut assigner à l’âme humaine d’autre figure que la figure humaine, et même celle du corps qu’anime chacune d’elles. La contemplation du premier homme nous éclaire sur ce point. Souviens-toi que, « Dieu ayant soufflé un souffle de vie sur la face de l’homme, et l’homme ayant reçu une âme vivante ! » ce souffle fut aussitôt transmis de la face dans l’intérieur, puis répandu dans toutes les parties du corps, et en même temps il se condensa sous la divine aspiration, et se comprima dans les limites corporelles qu’il avait remplies, comme s’il eût été jeté dans un moule. De là vient donc que le corps de l’âme prit une forme solide par la condensation et une figure par le moule qui le reçut. Celui-ci sera l’homme intérieur, l’autre l’homme extérieur, un, quoique double, ayant aussi ses yeux et ses oreilles, par lesquels le peuple aurait dû voir et entendre le Seigneur ; ayant aussi tous les autres membres dont il se sert dans la réflexion et par lesquels il agit pendant le sommeil. Ainsi le riche a une langue dans les enfers, le pauvre un doigt, et Abraham un sein. C’est par ces traits que les âmes des martyrs se laissent apercevoir sous l’autel. En effet, l’âme placée dans Adam, dès la création, et prenant la configuration du corps, devint la semence de la substance et de la condition de toutes les âmes.