Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 2.djvu/211

Cette page n’a pas encore été corrigée

la chasteté ; vous administrez le poison à votre père, en gardant la piété filiale. Eh bien ! puisque vous péchez sans cesser de craindre, vous serez précipités dans l’enfer sans perdre le pardon. Quel renversement d’idées ! Ils pèchent parce qu’ils craignent ; ils ne pécheraient pas, j’imagine, s’ils ne craignaient pas. Ainsi, quiconque ne voudra point offenser Dieu se dispensera de le vénérer, puisque la crainte est une autorité pour l’offenser. Mais de tels esprits germent ordinairement de la semence des hypocrites qu’une amitié inviolable unit au démon, et dont la pénitence n’est jamais sincère.

VI. Tout ce que notre faiblesse s’est efforcée de suggérer sur la nécessité d’embrasser la pénitence et de persévérer dans cette voie, concerne tous les serviteurs de Dieu, sans doute, puisqu’ils aspirent au salut en se rendant Dieu favorable, mais s’adresse principalement à ces néophytes, dont les oreilles commencent à peine à s’abreuver des discours divins, et qui, pareils à des animaux qui ne font que de naître, rampent d’un pas incertain avant que leurs yeux soient bien ouverts, affirment qu’ils renoncent à leur vie passée, et adoptent la pénitence, mais négligent de la pratiquer. En effet, le repentir lui-même les porte à regretter quelque chose de leurs anciennes voies, à peu près comme ces fruits qui, lorsqu’ils commencent à se corrompre et à devenir amers, gardent encore une partie de leur éclat. Toutes ces lenteurs, toutes ces tergiversations criminelles à l’égard de la pénitence proviennent d’un préjugé sur la vertu du baptême. Dans la certitude où sont les catéchumènes que leurs fautes leur sont remises, ils dérobent à leur profit le temps qui leur reste jusqu’à ce jour, profitant de ce délai pour pécher, au lieu d’apprendre à s’abstenir. Quel calcul, aussi insensé qu’injuste, de ne pas accomplir la pénitence et d’espérer le pardon de ses fautes, c’est-à-dire, de ne pas payer le prix, et de tendre la main pour recevoir la marchandise ! Le Seigneur, en effet, a mis le pardon à ce prix : il nous offre l’acquisition de