Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 2.djvu/19

Cette page n’a pas encore été corrigée

corporel est capable de souffrir, autant ce qui est capable de souffrir est corporel.

VIII. Il serait d’ailleurs téméraire et absurde de retrancher une substance de la classe des êtres corporels, parce qu’elle ne se gouverne pas en tout comme les autres, et qu’elle possède des propriétés différentes qui lui sont particulières, dissonnances qui révèlent la magnificence du Créateur par la diversité des mêmes œuvres, aussi différentes que semblables, aussi amies que rivales. Les philosophes eux-mêmes ne s’accordent-ils pas à dire que l’univers est formé d’harmonieuses oppositions, suivant l’amitié et l’inimitié d’Empédocle ? Ainsi donc, quoique les substances corporelles soient opposées aux incorporelles, elles diffèrent entre soi de telle sorte que la diversité accroît leurs espèces, sans altérer leur genre, si bien qu’elles demeurent toujours corporelles, publiant la gloire de Dieu par leur nombre en étant variées ; variées en étant diverses ; diverses en jouissant les unes d’un sens, les autres d’un autre ; en se nourrissant celles-ci d’un aliment, celles-là d’un autre ; les unes invisibles, les autres visibles, les unes pesantes, les autres légères.

On dit, en effet, qu’il faut reconnaître l’âme comme incorporelle, parce qu’à son départ, les corps des défunts deviennent plus lourds, tandis qu’ils devraient être plus légers ainsi privés du poids d’un corps, si l’âme était réellement un corps. Quoi donc, répond Soranus, nierez-vous que la mer soit un corps, parce que hors de la mer le navire devient lourd et immobile ? Quelle est donc, par conséquent, la vigueur du corps de l’âme, puisqu’elle porte çà et là avec tant de vitesse le corps qui acquiert ensuite tant de poids ? D’ailleurs l’âme est invisible, et par la condition de son corps, et par la propriété de sa substance, et par la nature de ceux auxquels sa destinée fut de rester invisible. Les yeux du hibou ignorent le soleil ; les aigles soutiennent si bien son éclat, qu’ils jugent de la noblesse de leurs enfants à l’énergie de leurs paupières. Autrement ils