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dans la vue des biens célestes ! Que le monde tout entier périsse, pourvu que je gagne la patience ! Quiconque ne sait pas endurer le tort léger qui lui a été fait, soit par un larcin, soit par la violence, soit par l’indolence, me laisse douter s’il porterait volontiers la main sur sa fortune pour en détacher une aumône. Qui, en effet, n’ayant pas le courage de se laisser mutiler par un autre, appliquera le fer à son propre corps ? La patience dans les revers est l’école de la bienfaisance et de la charité. Hésite-t-on à donner quand on ne craint pas de perdre ? En effet, « comment un homme qui a deux tuniques en donnera-t-il une au pauvre, s’il n’est pas dans la disposition d’offrir même son manteau à quiconque lui enlève sa tunique ? » Comment « nous ferons-nous des amis avec Mammon, » si nous l’aimons jusqu’au point de ne pouvoir en supporter la perte ? Malheureux ! nous périrons avec ce que nous perdons. Et que pouvons-nous trouver ici-bas là où nous avons tout à perdre ? Laissons les Gentils exhaler leur impatience dans toutes leurs disgraces : leur trésor passe sans doute avant leur ame. Ils le prouvent, en effet, lorsque, poussés par l’amour du gain, ils affrontent sur les mers les périls lucratifs du commerce, lorsque, pour grossir leur trésor, ils plaident au barreau des causes devant lesquelles reculeraient les plus pervers, lorsqu’ils vendent leurs propres corps au pugilat ou au camp ; lors-qu’enfin ils volent ou assassinent le long des grands chemins, à la manière des bêtes féroces. Pour nous, qui n’avons rien de commun avec eux, ce n’est pas notre ame qu’il convient de sacrifier à l’argent, mais l’argent à notre ame, soit en donnant de bon gré, soit en perdant sans murmure.

VIII. Quoi ! lorsque notre vie, lorsque notre corps sont exposés aux outrages, et que la patience nous est recommandée dans tous ces affronts, de moindres intérêts pourront-ils nous affecter ? Loin du serviteur du Christ une pareille souillure ! A Dieu ne plaise que sa patience préparée par