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avec toi, je te dirais que la toge a fait plus de mal à la république que la cuirasse. Pour moi, je ne flatte aucun vice, je ne pardonne à aucune indolence, je ne fais grâce à aucune vanité. J’applique le fer à l’ambition de M. Tullius, qui paie cinq cent mille sesterces une petite table de citronnier, ainsi qu’à celle d’Asinius Gallus, qui achète deux fois autant une table de la même Mauritanie. Hélas ! que d’or pour quelques taches de bois ! Mais que dire de Sylla, quand il commande des plats du poids de cent livres ? Je crains toutefois que cette vaisselle ne soit bien chétive vis-à-vis de ce vaste bassin de cinq cents livres que fit construire Drusillanus, affranchi de Claude, et qui était nécessaire peut-être aux tables que je mentionnais tout à l’heure. S’il exigea pour sa construction un fourneau spécial, il méritait bien aussi une salle à manger. J’ouvre encore avec le scalpel la cruauté de Védius Pollion, qui jetait ses esclaves à l’avidité des lamproies. Barbare qui, prenant plaisir à la cruauté, nouvelle pour lui, d’une bête terrestre, sans dents, sans ongles, sans cornes, se complut à convertir des poissons en animaux féroces, qu’il faisait cuire immédiatement, afin de goûter la chair de ses esclaves qu’il retrouvait encore dans leurs entrailles. Je percerai du même fer la gourmandise de l’orateur Hortensius, qui le premier put égorger un paon pour s’en nourrir ; celle d’Aufidius Lurcon, qui le premier corrompit les animaux en les engraissant, et leur donna une saveur adultère par des aliments forcés ; celle d’Asinius Céler, qui acheta six mille sesterces un seul surmulet ; celle du comédien Ésope, qui composa un plat de cent mille sesterces avec des oiseaux de grand prix, chanteurs et parleurs. Son fils, après ce mets splendide, trouva le secret d’une faim plus somptueuse encore : il avala une perle, déjà précieuse rien que par son nom, j’imagine, pour ne point souper plus pauvrement que son père. Je ne parle point des Néron, des Apicius, ni des Rufus. Je donnerai un purgatif à l’impudicité