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Le souffle de la vaine gloire n’a pas été moins puissant pour changer le vêtement de l’homme, encore que l’homme restât. Toute passion est un feu qui échauffe ; mais sitôt qu’elle arrive à l’affectation, l’ardeur de la gloire est un incendie qui dévore. Tu vois s’allumer à ce brasier un grand roi, qui n’a eu rien au-dessus de lui que la gloire. Vainqueur des Mèdes, il fut vaincu par le vêtement des Mèdes. Écartant la cuirasse triomphale, il se montra sous la robe flottante de ses captifs. Ainsi donc, en jetant sur sa poitrine, à la place de ces écailles dont elle gardait encore l’empreinte, un tissu transparent qui le couvrait sans le cacher, il éteignit sous les brises et la délicatesse de la soie, cette ardeur belliqueuse qui ne lui avait pas permis encore de respirer. Le Macédonien n’était pas assez orgueilleux par lui-même, il fallait encore que la vaine pompe des habits le dégradât.

Mais ne voilà-t-il pas que les philosophes s’abandonnent aux mêmes excès ! J’entends dire que plusieurs ont philosophé dans la pourpre. Si le philosophe paraît sous la pourpre, pourquoi pas aussi avec le baxa d’or[1] ? C’est une mode tyrienne, mais qui n’a rien de grec que de porter une chaussure qui n’est pas dorée. Mais un autre, dira-t-on, revêtit la soie et chaussa l’airain. Il avait raison. Il marcha avec une cymbale aux pieds, pour rendre des sons pareils à ceux des Bacchantes, puisqu’il en avait les habits. Que si Diogène aboyait encore quelque part du fond de son tonneau, il n’eût pas souillé de ses pieds fangeux le philosophe, comme s’en souviennent les lits de Platon, mais il l’eût pris par le corps pour le jeter dans le sanctuaire des Cloacines, afin que l’insensé qui avait rêvé qu’il était dieu, saluât les immondices ses sœurs avant de faire reconnaître aux hommes sa divinité.

  1. Espèce de chaussure.