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stérilité des champs, vous avez adopté les jeux de la palestre, qui usent le corps et le fatiguent sans profit ? Pourquoi cette huile mêlée à la poussière dont vous frottez vos membres ? Pourquoi vous roulez-vous sur le sable ? pourquoi ces aliments qui fortifient sans engraisser ? D’où vient que, chez quelques Numides, qui ornent leur tête de la crinière du cheval, on se fait raser le visage jusqu’à la peau, et que le rasoir n’épargne que la tête ? D’où vient que les hommes velus emploient la résine pour épiler les parties secrètes, ou la pince pour arracher les poils du menton ? Quel prodige donc que de pratiquer tout cela en répudiant le manteau : Ces infamies viennent de l’Asie. Ô Libye, et toi Europe, qu’avez-vous de commun avec des ornements de théâtre que vous ne savez pas revêtir ? En effet, pour quelle raison s’épiler à la manière des Grecs, plutôt que de se vêtir à leur façon ? Le changement d’habit devient un crime, non pas quand on change la coutume, mais quand on change la nature. Il y a une grande différence entre le respect que l’on doit au temps et celui que réclame la religion. La coutume devra fidélité au temps ; la nature la doit à Dieu. Il a donc renversé l’ordre de la nature ce héros de Larisse, lorsqu’il prit les vêtements d’une jeune fille, lui qui avait été nourri de la moelle des bêtes féroces, ce qui lui a fait donner le nom qu’il porte[1], parce que ses lèvres n’avaient jamais sucé de mamelles ; lui encore qui, formé à une rude école, avait eu pour précepteur un monstre, habitant des forêts et des montagnes.

Je le supporterais dans un enfant que sa mère craint de perdre. Mais qu’après avoir atteint l’âge d’homme, qu’après avoir donné une preuve clandestine de sa virilité avec une jeune fille, il continue de laisser flotter sa stole, de bâtir l’édifice de sa chevelure, de farder sa beau, de consulter

  1. Achille, de Α-χοιλος, sans lèvres, parce qu'il ne s'en était pas servi pour téter.