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Dieu se fut prononcé pour les Romains, la cité votre sœur se hâta de changer la forme de ses vêtements, afin de saluer Scipion sous ses propres livrées, aussitôt qu’il aborderait, se faisant ainsi Romaine avant l’heure. Quant à vous, la toge ne vous fut offerte qu’après le bienfait honteux de l’amnistie, comme un présent que l’on fait à des vaincus qui ont perdu leur vieille indépendance, mais non toute gloire, après les ignominieux présages de Gracchus, après les sanglantes dérisions de Lépide, après les trois autels de Pompée, après les longs délais de César, lorsque Statilius Taurus releva vos murailles, lorsque Sentius Saturninus les inaugura avec les solennités ordinaires, lorsque enfin la paix fut cimentée. Hélas ! que cette toge a parcouru de pays ! Elle est allée des Pélasges aux Lydiens, des Lydiens aux Romains, afin qu’elle passât des épaules du peuple le plus illustre sur celles des Carthaginois.

A partir de ce moment, vous portez votre tunique, plus longue qu’auparavant, avec une ceinture à volonté ; vous soutenez par étages l’immensité des plis de votre manteau, pour le rendre plus commode. Et si, outre cela, votre condition, votre dignité, ou la circonstance, réclame un autre vêtement, vous vous mettez à railler le manteau, oubliant qu’il vous a de tout temps appartenu. Mais, à vrai dire, je ne m’étonne plus de ce défaut de mémoire en présence d’un fait bien autrement significatif. Tout le monde sait que cette Carthage, « redoutable par son ardeur belliqueuse, » inventa le bélier, non pas le bélier que nous décrit Labérius, armé de cornes qui se croisent, recouvert de laine, et traînant un corps vigoureux, mais cette machine en forme de poutre, qui sert à briser les murailles, et qui n’avait encore été poussée contre aucune d’elles ; lorsque votre cité, prenant exemple de ces animaux qui, dans la colère, se heurtent de la tête, imagina la première cet instrument formidable qu’elle éleva et laissa retomber de tout son poids. Toutefois, lorsque la patrie touchait à son