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se justifiant par la continuation de soi-même, peut se défendre et se maintenir dans l’observance. La coutume elle-même, dans l’absence de la loi, est reçue pour loi dans les choses civiles. Qu’elle repose sur une Ecriture, ou sur la raison, il n’importe, puisque la loi elle-même n’a d’autre fondement que la raison. Or, si la loi réside dans la raison, tout ce qui réside dans la raison sera loi, quel qu’en soit l’auteur. Ne penses-tu pas qu’il soit loisible à chaque fidèle de concevoir et d’établir une chose, pourvu seulement qu’elle soit en conformité avec Dieu, qu’elle profite à la discipline, et contribue au salut, puisque le Seigneur a dit : « Pourquoi ne discernez-vous pas de vous-mêmes ce qui est juste ? » ce qu’il applique non-seulement aux choses qui appellent un jugement, mais aussi à toutes celles qui ont besoin d’être examinées et décidées ? L’Apôtre dit encore : « Si vous ignorez quelque chose, Dieu vous le révélera. » Lui-même avait coutume de donner des conseils, là où le précepte du Seigneur ne parlait pas, et de prescrire certaines choses comme venant de lui-même : aussi avait-il l’esprit de Dieu qui enseigne toute vérité. Ses conseils et ses prescriptions sont donc reçus comme des ordonnances divines, parce qu’ils ont pour eux le patronage de la raison divine. Quelle est cette raison ? Demande-la, mais toujours en respectant la tradition, quel qu’en soit l’auteur. Considère, non pas l’auteur, mais l’autorité, et principalement l’autorité de la coutume. Elle doit être d’autant plus respectée, qu’elle doit servir d’interprète à la raison ; de manière que si Dieu te l’enseigne, tu saches alors, non pas si tu dois observer la coutume, mais pourquoi la raison des observances chrétiennes est plus auguste, puisqu’elles sont maintenues par la nature qui est la première maîtresse de toute discipline. Voilà pourquoi elle est la première qui nous montre que la couronne ne convient pas à la tète d’un chrétien.

V. Si je ne me trompe, c’est le Dieu de la nature, c’est notre Dieu qui a formé l’homme et disposé en lui des sens certains