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ciers. Ainsi, quand même nous vous accorderions que l’âme s’est fécondée à vos livres, toujours faudrait-il que la tradition remontât à une source principale, et nous réclamerions comme notre bien tout ce que vous avez eu le bonheur de nous emprunter et de transmettre après vous. Puisqu’il en est ainsi, peu importe que la conscience soit formée dans l’âme par Dieu lui-même ou par les Lettres de Dieu. Viens nous dire après cela, ô homme ! que ce sont là des préjugés qui, après être passés des opinions humaines dans le langage de la multitude, s’y sont enracinés avec le temps !

VI. Crois donc à tes livres sur la foi des nôtres ; crois à nos Écritures, d’autant plus qu’elles sont divines ; crois surtout à la nature, d’après les dépositions de l’âme. Choisis parmi ces sœurs de la vérité celle qui te paraîtra la plus vénérable. Si tu as des doutes sur tes propres monuments, ni Dieu, ni la nature ne savent mentir. Pour croire à la nature et à Dieu, crois à ton âme ; par elle, tu croiras à toi-même. Ton âme ! tu l’estimes autant qu’elle t’estime ; tu es tout par elle, elle est tout pour toi ; sans elle tu ne peux ni vivre ni mourir, et pourtant c’est à cause d’elle que tu négliges Dieu. Puisque tu crains de devenir chrétien, interroge-la ! Demande-lui pourquoi elle invoque Dieu pendant qu’elle en adore un autre ? pourquoi elle nomme les démons alors qu’elle maudit les esprits malfaisants ? pourquoi elle prend à témoin le ciel et déteste la terre ? pourquoi, esclave ici, elle cherche ailleurs une main qui l’affranchisse ? pourquoi elle juge les morts ? pourquoi elle parle le langage de ces mêmes Chrétiens, que l’on ne veut ni voir ni entendre ? pourquoi elle nous a donné ce langage ou l’a reçu de nous ? pourquoi elle nous l’a enseigné ou l’a appris elle-même ? Sache-le bien ! cette uniformité de prédication, lorsque d’ailleurs notre manière de vivre est si différente, cache quelque mystère. Quelle puérilité que d’attribuer ce concert aux langues romaine et grecque, qui sont sœurs, pour nier l’universalité de la nature ! Ce n’est pas