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haites à ses os et à ses cendres le rafraîchissement, et tu désires qu’il repose en paix dans les enfers. Si, après la mort, il n’y a plus pour toi ni sensibilité, ni mouvement, en un mot, si tu n’es rien toi-même, aussitôt que tu as abandonné le corps, pourquoi te mettre en contradiction avec tes propres actes, comme si tu pouvais quelque chose au-delà du tombeau ? Que dis-je ? Pourquoi trembles-tu de tous tes membres à l’approche de la mort, si tu n’as rien à redouter après elle, puisqu’elle ne peut amener aucune redoutable expérience ?

Tu peux me répondre, je le sais, que tu crains la mort, non pour les menaces qu’elle apporte, mais à cause des biens dont elle te dépouille. Cependant les douleurs de la vie l’emportant de beaucoup sur ses plaisirs, la crainte de la mort disparaît devant un gain meilleur. On ne doit point craindre la perte des biens qui est compensée par un autre bien, je veux dire par la cessation de toutes les misères. Pourquoi craindre un événement qui nous affranchit de toute crainte ? Si tu crains de sortir de la vie parce que tu l’as trouvée bonne, au moins tu ne dois pas redouter la mort, puisque tu ne la crois pas mauvaise. Tu la crains néanmoins : donc tu sais bien qu’elle est un mal. D’où le saurais-tu ? où aurais-tu appris à la redouter, si tu ne savais qu’il existe après la mort quelque chose qui en fait un mal et t’en inspire l’effroi ?

Ne parlons plus de ces pressentiments et de ces terreurs naturelles. Que personne ne craigne une catastrophe inévitable ! J’arrive maintenant à une autre considération, à celle d’une espérance plus heureuse après la mort. Presque tous les hommes ont le désir inné de se survivre dans la mémoire de leurs semblables. Il serait trop long de citer ici les Curtius, les Régulus, et les héros de la Grèce, qui ont acheté les louanges de la postérité en bravant la mort pour recueillir une renommée posthume. De nos jours encore, qui ne s’efforce de se survivre à lui-même et d’assurer l’immortalité à son nom, soit par des