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aimerait mieux être traînée aux enfers le plus tard possible ? Elle chérira l’héritier inhumain par lequel elle se repaît encore de la lumière ; ou s’il y a certainement quelque affront à être tardivement précipité sous la terre, et que la matière de l’affront soit la privation de la sépulture, il est de la plus criante injustice que l’affront retombe sur celle à qui l’on ne peut imputer ce retard, puisque les proches seuls en sont coupables.

On dit encore que les âmes, prévenues par une mort prématurée, errent çà et là parmi nous jusqu’à ce qu’elles aient complété le temps qu’elles auraient vécu ici-bas, si elles n’étaient pas mortes avant cette époque. Or, ou les temps sont fixés pour chacune, et je ne sache pas que les temps fixés puissent être devancés ; ou bien si, quoique fixés, ils sont néanmoins retranchés par la volonté de Dieu, ou par quelque autre puissance, c’est vainement qu’ils sont retranchés, si on leur donne le temps de s’accomplir ; ou bien, enfin, s’ils n’ont pas été fixés, il n’y a pas de dette là où rien n’a été fixé.

J’ajouterai de plus : Voilà que meurt un enfant, encore à la source des mamelles, par exemple ; ou bien, si vous le voulez, avant la puberté, avant l’adolescence, mais qui aurait vécu quatre-vingts ans. Comment admettre que son âme passe ici-bas les années qui lui sont déjà enlevées ? Elle ne peut, en effet, se prêter sans le corps aux révolutions du temps, puisque l’âge ne se mesure que par les corps. Que les nôtres, d’ailleurs, se rappellent que les âmes reprendront à la résurrection les mêmes corps dans lesquels elles sont sorties de la vie. Il faut donc attendre et les mêmes dimensions pour les corps, et les mêmes âges qui constituent les dimensions des corps. A quel titre donc l’âme d’un enfant peut-elle passer ici-bas la période qui lui est enlevée, pour ressusciter octogénaire dans un corps d’un mois ? Ou s’il est nécessaire qu’elle accomplisse ici-bas les temps qui avaient été déterminés, l’âme parcourra-t-elle également ici-bas les vicissitudes de la vie qui