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au bien par sa nature, mais par accident, il ne le possède point comme un domaine à lui, mais à titre de concession, sous le bon plaisir d’un souverain de qui émane tout ce qui est bon. Mais pour que ce favori du ciel eût aussi son apanage, émancipé à son profit par le Créateur lui-même ; pour que le bien devînt sa propriété, j’allais dire sa nature, la liberté, le libre arbitre lui fut accordé comme une balance tenant l’équilibre entre le bien et le mal. Grâce à cette noble indépendance, ainsi le demandait la sagesse, l’homme fut mis à même d’opérer le bien comme on gouverne un domaine à soi, en vertu de sa souveraineté, sous les inspirations d’une volonté maîtresse d’elle-même, qui n’agissait pas plus par flatterie que par crainte. Il ne suffisait point que l’homme fût bon par communication, il fallait encore qu’il le fût par choix, comme par une propriété de son être, afin que devenu plus fort contre le mal, il pût, maître de ses actions, et libre comme son auteur, triompher des assauts que la Providence avait prévus. Enlevez-lui son libre arbitre ; enchaîné au bien par la nécessité, au lieu de s’y porter spontanément, il est assujetti d’autre part, en vertu de l’infirmité de sa nature, aux invasions du mal, toujours esclave, tantôt du mal, tantôt du bien. La plénitude du libre arbitre lui fut donc accordée pour l’un comme pour l’autre, afin que s’appartenant constamment à lui-même, il se maintînt volontairement dans le bien, ou se jetât volontairement dans le mal.

D’ailleurs les jugements de Dieu attendent l’homme au terme de sa carrière. Il fallait bien que l’homme en proclamât la justice par les mérites d’un choix libre et spontané. Que la liberté disparaisse ; que l’homme se jette dans le vice, ou s’attache à la vertu indépendamment de sa volonté, par les lois d’une nécessité aveugle, où seraient la justice de la récompense, la justice du châtiment ? Tel a été le but de la loi. Loin d’exclure la liberté, elle la confirme, Elle repose sur une fidélité ou une rébellion toute volontaire ;