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homme une liberté et une puissance qui devaient lui être si fatales ? »

— Afin de mieux attester la réalité du libre arbitre, et la dignité de cette institution par rapport à Dieu, je vais prouver d’abord que Dieu a dû le régler ainsi, en démontrant que cette combinaison était préférable. Ici encore se manifesteront la bonté et la sagesse divines ; car ces deux attributs marchent inséparablement unis dans les œuvres de notre Dieu. La sagesse sans la bonté n’est plus la sagesse ; la bonté sans la sagesse n’est plus la bonté, si ce n’est peut-être chez le dieu de Marcion, où elle s’allie à l’extravagance, ainsi que nous l’avons reconnu plus haut. Il fallait que Dieu fût connu. Dessein éminemment bon et raisonnable, on ne le contestera point. Un être digne de connaître Dieu était nécessaire : or, quel être plus capable de remplir ce but, que l’image et la ressemblance de Dieu ? Voilà encore une conception bonne et honorable assurément. Il fallait donc que « l’image, que la ressemblance de Dieu » fût dotée du libre arbitre et de l’indépendance, caractères augustes qui manifestassent à tous les regards l’image et la ressemblance du Très-Haut. Pour cela, il fut donné à l’homme une substance honorée de ce privilège, souffle d’un dieu libre et ne dépendant que de lui-même, D’ailleurs n’eût-il pas été contradictoire que l’unique possesseur de l’univers, le roi de la création, ne régnât point avant tout par l’empire de son ame, maître des autres, esclave de lui-même ? Ouvre donc les yeux, ô Marcion ! Reconnais la bonté de Dieu au présent qu’il fait à l’homme ; admire sa sagesse dans cette combinaison. Toutefois n’invoquons ici que la bonté qui nous a départi cet auguste privilège. La sagesse trouvera sa part ailleurs.

En effet, Dieu seul est bon de sa nature. Celui qui possède un attribut incréé, ne le possède point par communication, mais par essence. Pour l’homme, œuvre tout entière de création, qui eut un commencement et reçut dans le principe sa forme et son mode d’existence, il n’est pas incliné