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« Mon cœur, dit-il, a produit une parole excellente. » Que Marcion reconnaisse déjà l’excellence du fruit à l’excellence de l’arbre. Cultivateur inhabile, c’est toi qui sur l’arbre du bien entas une greffe mauvaise. Mais la greffe du blasphème ne prévaudra point, elle séchera avec la main qui l’a faite : et attestera ainsi la nature d’un arbre bon.

Voyez rapidement à quel point cette parole a fructifié. « Dieu dit : Que cela soit, et cela fut, et Dieu vit que cela était bon. » Non qu’il ait besoin d’y arrêter ses yeux pour en apercevoir la bonté. Mais, son œuvre étant bonne, il la voit telle qu’elle est, il l’honore d’un regard de complaisance, il souscrit à sa perfection, il y contemple les traits de sa sagesse. Ainsi appelle-t-il bon ce qu’il a créé bon, pour te montrer que Dieu tout entier est bonté, soit qu’il parle, soit qu’il agisse. La parole ne savait pas maudire encore, parce que le mal n’était pas né. Nous verrons quelles causes contraignirent le Créateur à maudire. En attendant, quels que soient les rêves des sectaires, le monde était composé d’éléments bons, authentique témoignage de l’immensité du bien qui attendait l’homme pour qui seul avaient été créés ces prodiges. En effet, quel hôte plus digne d’habiter les œuvres de Dieu que « l’image et la ressemblance de Dieu, » à laquelle la bonté souveraine apporta plus de soin qu’à tout le reste, qu’elle façonna, non point avec l’accent impérieux d’un maître, mais d’une main amie, et commençant par cette douce parole : « Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance. » Tu l’entends ! c’est la bonté qui a parlé : c’est la bonté qui, pétrissant, l’homme d’un vil limon, a élevé la poussière jusqu’à cette chair pleine de merveilles et a doté une matière unique de tant de facultés. C’est la bonté qui a inspiré à l’homme une ame vivante et non pas inanimée. C’est la bonté qui a dit à ce roi de la création : « Jouis de tous les êtres ; commande-leur en souverain ; impose-leur des noms. » Après le nécessaire vint l’agrément. Voulant que le possesseur de l’univers résidât dans un séjour plus agréable,